Bon, bon, bon... que dire de ce bouquin qui n'est pas tout à fait un roman, même pas une enquête, mais une succession de pensées sur la vie et le regard qu'on pose sur elle ? Il est question d'une hôtesse d'accueil qui entend une voix lui donner des instructions. Eh eh, mais oui, elle est possédée cette petite dame ! Et elle va tenter de se déposséder par le langage, ou un truc comme ça. On lui dit qu'elle va croiser des morts—les décès lui font toujours quelque chose, peut-être le ou un soldat inconnu, une importante affaire de déterminant, la beauté des fleurs moches, les façons de connaître par l'intellect ou l'intuition. On s'interroge beaucoup en compagnie d'Yvette et du soldat, de la mort et des images, des tombeaux. "Connaître ce que je ne connais pas", des présences dans l'esprit, vaste programme...
Émerveillement ou escroquerie ? La vague impression d'un alignement de petites pensées, de souvenirs décousus où l'on apprend que l'on sait depuis toujours des choses que l'on ne croyait pas savoir. Comment puis-je savoir ce que je ne sais pas ? Demandez à l'écrivain ! Un certain nombre de passages ennuient quand ils ne sont tout simplement pas prise de tête. Soyons honnêtes, il y a 15 ans, quand j'étudiais mes classiques, je l'aurais trouvé fort intéressant ce livre, à me triturer les méninges, à tenter d'approcher le mystère de ce soldat inconnu, à tenter de voir sous le voile des mots une sensibilité un peu différente. Ce livre serait une petite introspection qui rendrait plus conscient (plus intelligent ?), qui permettrait de sortir de soi en accueillant d'autres que soi, de mieux se connaître, s'oublier, de connaître l'inconnu ? Allez, peut-être. Et le propos de ce monologue pas envoûtant n'est pourtant pas inintéressant, parfois.
Kant m'a excitée bien plus que les écrits du marquis de Sade, ça c'est un peu normal, mais bien plus aussi que les écrits de Georges Bataille, plus étonnant. Je me revois, haletante, en train d'étudier le concept de liberté sans d'abord rien y comprendre.
Mais voilà, j'ai envie qu'on me raconte des histoires avec des personnages incarnés (qu'ils soient morts n'est pas un problème), pas qu'on m'explique le monde à petits coups de bavardages philosophiques et littéraires. On lit ce récit de loin, un peu de mis de côté par cette écriture sans éclat qui tourne sur elle-même. La curiosité parfois piquée par un regard décalé ou insolite. Totalement inconnu ressemble tout de même à un roman de salon, entre-soi, bien intello comme il faut (p. 188 : En réalité, on ne sait pas ce qu'on sait. Un savoir qu'on ignore détenir, c'est en le transmettant qu'il nous appartient. J'ai trouvé ça marrant. Donner à autrui est un moyen de posséder ce que l'on donne. Est-ce qu'on me comprend là ? Quand tu exposes du savoir, au moins tu apprends que tu le possèdes."). Il est question de sensibilité à un moment dans ce livre qui, justement, semble cruellement en manquer. Un flot de paroles comme un cercle mental, sans souffle, qui empêche de vibrer. Et si le texte se veut empreint d'ironie avec son petit humour impromptu, on assiste bien à une conférence de philo un peu lénifiante sur les mots, le travail de l'écrivain, ce qu'il voit à la place des autres, ce qu'il ne sait pas mais qu'il sait et voit, blablabla... Trop de questionnements métaphysiques pour moi. De l'ennui aussi. Et puis je suis trop bête, mes neurones n'étaient pas prêts. Mon cœur de lecteur en friche. Allez, on passe à autre chose.
Totalement inconnu, Gaëlle Obiégly, Christian Bourgois, août 2022, 20€
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