De Romain Ternaux, j'étais resté sur le très bon Success Story, co-écrit avec l'ami Johann Zarca. Dans cet Underdog Samurai chez les impeccables éditions Aux Forges de Vulcain, encore un goût prononcé pour le saké, les mondes troubles et les canalisations. Tenez-vous bien, les fantômes voyagent dans des tuyaux, se téléportant de la banlieue parisienne au Texas, en passant par Tokyo. Pour héros, un bon loser qui se fait entuber sur le dark web : quelques milliers d'euros pour un sabre japonais, un fake en réalité. Ni une ni deux, notre karatéka bancal, gagné par le courroux, a bien l'intention d'aller se faire justice lui-même au pays des méchants yakuzas, des tendres sumos et de la belle Yukiko... Méprisable Hervé Ply, tu le sauras désormais : la littérature est plus forte que le kung-fu !
J'ai bien ri face à tant d'action échevelée, de personnages baroques et de péripéties guignolesques. Le début du roman est tonitruant, avec le méprisable Hervé Ply, et ce clochard maître kung-fu. La suite est un long voyage au pays des yokaï, entre réalité folle et fiction floutée par l'alcool. Des litres de bière et de saké sont avalés. De la surenchère, de l'absurde et du carnaval, c'est peu dire qu'il faut avoir un bon cardio pour tout encaisser. Une écriture qui m'a fait penser dans son énergie, sa fraîcheur, son sens de l'action, à celle de Nicolas Jaillet dans Mauvaise Graine. Quête avinée ET sanglante ! De l'eau, du sang, de l'alcool, et beaucoup de fumée. Derrière les écrans de poussière, des fantômes aux pouvoirs magiques, des libidos en feu, des corps désintégrés ou encapsulés dans des armures... il y en a pour tout le monde, au risque du grand-guignol. On ne va pas se mentir, j'aime ces récits hommages à différentes cultures (on s'y croirait), à la façon de (Tarantino et d'autres), des textes qui ne s'interdisent rien et vont au bout de leurs idées. Une radicalité assumée qu'on aime. Mais il y a une telle énergie, souvent débordante, que le soupçon de scènes complètement gratuites est réel. À chaque page, le fou rire se mêle à une horreur folle et on se demande bien quelles surprises ce récit pétri de références va nous réserver. Romain Ternaux s'amuse dans cette odyssée burlesque, dit au passage deux trois trucs intéressants sur la quête d'un marginal qui va se révéler à lui-même par la prise de conscience d'une force intérieure (l'esprit ancestral du Samouraï d'or). Esprit de dérision, vrai talent pour le dérapage, catchy et trashy, Romain Ternaux écrit, c'est une évidence, un truc hirsute et différent, au goût de sushi. Le début du livre est tonitruant et tordant. La suite au Japon est au diapason, entre pue qui dégouline et sexe priapique. Pas facile ensuite de garder le rythme ou l'intérêt, mais je ne reprocherai pas à l'auteur sa démarche ou ses intentions. Ce serait comme reprocher à un sprinter de porter des baskets. Mais, il y a aussi un côté Usain Bolt qui se mettrait à une course de fond.
T'ain't yar neighborhood mothafuckers ! C'est quoi cette approche vindicative ? Rien compris à son vomi à part qu'il se croit dans Boyz n the Hood version white trash. Le petit groupe nous encercle rapidement, mais une espèce de Mexicain au bonnet gigantesque reste en retrait. Il semble impressionné par mon armure, je crois qu'il me prend pour un démon de son folklore sud-américain. Rictus entre les lèvres, il me pointe du doigt d'un air accusateur : - What kinda fuckin' alien are ya mothafucka ?
Très visuel, foutraque et violent, le livre de Romain Ternaux est écrit au sprint et au kung-fu, ceinture noire d'humour. Est-ce qu'il en fait trop ? Bien sûr, mais c'est justement le principe du bouquin et d'une bonne fiction, ou alors on n'a rien compris à la magie des yokaï et des sumos. Bon, j'ai préféré l'Asie goguenarde aux Etats-Unis buritos, ce qui n'a aucun sens. Et les voyages en heya, au pays de Superman, dans un resto japonais, en compagnie de Spiderman. Vous étiez l'élu de cette épopée potache, à l'ouest mais tendre, et vous ne le saviez pas ? Vous voilà prévenu... La quête des origines peut commencer.
Underdog Samuraï, Romain Ternaux, Aux Forges de Vulcain, janvier 2022, 288 p., 15€
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