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Articles

Affichage des articles du février, 2019

La Ferme des Mastodontes, Mike Kleine (Editions de l'Ogre) ★★★★☆

        Le monde a-t-il changé entre le New York yuppies des années 90 et la Californie bling bling d'aujourd'hui ? Rien, ou presque. La Ferme des Mastodontes, un premier roman signé Mike Kleine, digne héritier de Bret Easton Ellis, nous plonge dans l'univers de la jet-set, un monde superficiel et singulièrement monomaniaque. Le narrateur, ultra riche et célèbre, s'achète une Ferrari, écoute Philip Glass, fréquente du beau monde, de Céline Dion — avec qui il couche—, à Cameron Diaz et Ashton Kutcher. Mais James Franco, écrivain notoire et coloc', semble son plus proche "ami"...          Bienvenue dans le monde des ultra riches et de la haute société californienne à LA, où il ne se passe absolument rien. Un banal accident de voiture, quelques bières sirotées, des soirées sans saveur sur des roof top , l'achat de tableaux de Picasso et des discussions sur les derniers films vus. Et puis rien. La fascination du vide, l'horizon du néant p

L'Appel, Fanny Wallendorf (Finitude) ★★★★☆

                   Oregon, 1957. Richard est grand, dégingandé, un peu gauche et absolument pas doué pour le sport. Pour pas grand-chose en réalité. Simplement, il n’est pas dans son corps, il l’habite mal. Son surnom, « l’Hurluberlu ». Un athlète nerd quoi. Sourd aux injonctions, aveugle à son destin, il se réalise pourtant dans la formulation instinctive d’une technique parfaite. Son kif, c’est le saut en hauteur. Seulement voilà, si «  ce gamin dépasse tout le monde d’une tête (…), il est souple comme un verre de lampe…  ». Bref, c’est pas gagné. Il a 10 ans, inscrit dans un club de saut en hauteur et peine à en comprendre l’intérêt. Ce qu’il veut, c’est jouer, s’amuser, suivre sa voie. Sans calcul, sans ambition. Être lui, simplement, jusqu’au bout. Et comme toujours, c’est quand on renonce au but qu’il vient à nous. Pas tout à fait à l’aise avec ce qu’on lui enseigne, il tente un jour un saut inédit : le ventre face au ciel, le saut dorsal à la place du traditionnel

Braves gens du Purgatoire, Pierre Pelot (Editions Héloïse d'Ormesson) ★★☆☆☆

     Aux Editions Héloïse d’Ormesson, on était restés sur le très bon «  Tableau de chasse  » d’Arnaud Guillon. C’est donc avec plaisir qu’on retrouvait Pierre Pelot, écrivain en marge des cercles littéraires, pour son baroud d’honneur avec «  Braves gens du Purgatoire  », son dernier effort donc. Un livre qu'on voulait aimer mais qui, hélas, ne nous a convaincus qu’à moitié. Explications.          Braves gens du Purgatoire évoque, dans un petit village vosgien, un assassinat. Maxime aurait tué sa femme avant de se suicider. Mais certains n’y croient pas, à commencer par leur petite-fille Lorena. Un fait morbide, départ d’une vertigineuse quête des origines…             Le style Pelot, qui a pu séduire ailleurs, est ici ce qui nous laisse sur la touche. Des phrases longues, insistantes ou trop précises,  riches d’adverbes et étrangement décousues qui, mises bout à bout, donnent un résultat enflé. A d’autres moments, l’écriture se fait moins rêche, plus

Marcher sur les bas-côtés, Hénin Liétard (Le Dilettante) ★★★☆☆

        Bienvenue chez les mineurs, en Gohelle, en plein pays noir, avec la nouvelle rasade d’Hénin Liétard. Marcher sur les bas-côtés ? Hénin, t’es sérieux là ? Car à ce niveau, c’est plutôt la descente dans l’enfer six pieds sous terre, dans les entrailles de la misère, non ? Tenez : chômage, picole, maladie, prison, larcins… C’est l’histoire de Johnny et des Rocky, des mères-filles, des tricards du pays noir, des mineurs de fond de la mine sans fond. Et des autres, tous embourbés dans les résidus de houille, images d’une misère de la prospérité industrielle… Cet abruti de patron d’estaminet se pointe avec son coéquipier : un fusil à pompe à gueule de tromblon. On se bouscule au portillon, en bon postillons, on gicle hors. «  On s’en souviendra d’avoir chimé à Chimay ! », s’esclaffe Bintje.           Une enfilade de tranches de vie poisseuses, sordides, mais furieusement drôles. On suit donc les pas de Johnny, fils et petit-fils de mineurs silicosés, envoyé

Le Voyage du Canapé-lit, Pierre Jourde (Gallimard) ★★★☆☆

          Une petite anecdote. Voilà deux ans, je flâne au hasard dans les rues de Lisbonne et là, je croise une tête familière. Trois secondes plus tard : mais oui, c'est Pierre Jourde ! Je m'avance, intimidé, pour le saluer. Là, forcément, c'est un homme encore plus intimidé (voire surpris ? effrayé ?), qui me répond : mais comment savez-vous qui je suis ? J'ai lu tous vos livres pardi ! Comme si des textes pouvaient dessiner un visage. Et, ici ou là, j'avais dû « mentaliser » l'image de l'écrivain. Pourquoi ? Aucune idée. Les polémiques nées de la publication de " Pays perdu " ont dû me marquer. Mais surtout, Pierre Jourde m'a livré la clé de l'histoire dans le goguenard " Le Voyage du canapé-lit ", son nouveau roman. Page 35, il écrit : " Sans nous vanter, nous sommes dotés, dans la famille, d'arcades sourcilières assez proéminentes et d'yeux enfoncés dans les orbites,

Vigile, Hyam Zaytoun (Le Tripode) ★★★☆☆

     «  Vigile  » de Hyam Zaytoun est le récit court d’une nuit en enfer, suspendue au bon vouloir du destin. Une nuit donc, où l’homme qu’elle aime subit un arrêt cardiaque et sombre dans le coma. La mort qui frappe en plein cœur, sans appel. La chance de s’en sortir est réduite à la portion congrue, les médecins n’y croient même plus…     «  Vigile  » capture le désastre à venir et sa genèse ­— une femme avec deux enfants et sans père — sorte d’entre-deux entre la mort et la vie. Le deuil en son absence, en son invisibilité, en sa possibilité, une expérience par procuration. Ce qui frappe, c’est la douloureuse conscience d’une condition partagée. Car dans notre désir d’éternité, le livre nous rappelle sans détour la possibilité de la mort, la possibilité d'une fin avant l'heure, sans préavis. Déjà mort, encore vivant. Le témoignage, déchirant, décrit ce qui traverse la crise, la possibilité de la perte, image impensable d’un crépuscule anticipé. Mais surtout,

Un poisson sur la lune, David Vann (Gallmeister) ★★☆☆☆

On l'attendait, le voici, le dernier roman de David Vann chez Gallmeister, Un poisson sur la lune , confession d'un suicidaire entre autofiction et réalisme cru.                 Vouloir se retrouver en pièce, le ventre en vrac, comme à l'issue du déchirant Aquarium, était peut-être chose vaine. Ces émotions sont très rares. A l'image des grands livres. Sans être le meilleur roman de l'auteur américain, Un poisson sur la lune est une pierre de plus dans son histoire familiale cabossée. Toutes les familles sont psychotiques, paraît-il...           On l'attendait en cette rentrée 2019. Sans doute trop. Une petite déception même si Un poisson sur la lune reste un roman intéressant. Le suicide donc, ou sa tentation ultime, lancinante, le Magnum fiché dans la poche arrière du jean. Jim, pêcheur et chasseur en Alaska, lourdement endetté, sent la délicieuse présence du barillet qui le délivrerait d'une torpeur mortifère. De retour en Californie, il cro