Accéder au contenu principal

Articles

Affichage des articles du novembre, 2021

J'envisage l'impossible, Arthur Navellou (Iconopop)

 J'envisage l'impossible, comme faire mes cartons fissa et emménager à Chartres. Non, sérieusement, c'est un peu la phrase qui m'est venue à la fin de ma lecture. Un bouquin de poésie qui te donne envie d'aller te promener (déambuler plutôt ?!) dans Chartres, ça ne court pas les rues. Autrement dit, Arthur Navellou n'est pas un vendeur de navets mais un poète des pavés, des places abandonnées, des lieux disparus à réinventer par les mots, qui n'oublie pas d'incarner les souvenirs par les pierres, et les personnages par les anecdotes. J'envisage l'impossible est de loin le recueil Iconopop qui m'a le plus séduit jusqu'à présent. Une poésie fine et accessible, sobrement touchante, comme a pu l'être celle de Victor Pouchet dernièrement dans La Grande Aventure . La grande force de ce recueil, à mon sens, c'est ce flot de malade, d'une simplicité absolue. Le texte coule et roucoule sur la page, chante sa petite musique urbaine un

Mollo sur la win, Christophe Esnault & Lionel Fondeville (Cactus Inébranlable éditions)

 Un éditeur au destin funeste, un solitaire égaré sur le site de rencontres Similitudes , un RMiste qui décuple sans le savoir les capacités de sportifs angevins, des essais de nouvelles, une rixe avec Philippe Sollers, des refus de manuscrits dans des revues obscures, des séances chez le psychanalyste... Les losers, l'amour, la détresse sentimentale et littéraire au miroir de treize nouvelles rigolardes qui auscultent notre désir de tendresse, de reconnaissance, toujours un peu vain. L'élégance de l'échec. Du punch et de l'humour à tout va dans ce recueil de nouvelles qui, à l'image de la couverture, a des airs mal fagotés. Les airs, seulement, d'un réel trop étroit ou trop grand pour des personnages pas toujours adaptés au monde tel qu'il va. Paumés et romantiques à la dérive, les personnages naviguent entre leurs aspirations un rien ambitieuses et la médiocrité du milieu intellectuel/culturel où ils évoluent. Avec quelques écorchures en bandoulière et qu

Le désespoir, avec modération (Le Cactus Inébranlable)

 Je découvre un auteur et un éditeur dans le même élan : Paul Lambda et le Cactus Inébranlable. Un bon bouquet bien touffu, pas ordinaire, qui pique un peu beaucoup. Avant d'y aller mollo sur la win avec Christophe Esnault et Lionel Fondeville, une petite pause poétique avec Paul Lambda et ses aphorismes jaillis d'un délicieux pot aux mots. Avec lui, le désespoir est doux et drôle, 65000 signes de poésie espaces compris où les mots finissent par se jouer de nous... Si ta vie est triste et morne, le désespoir te redonnera un coup de fouet. Adieu solitude et ennui, des bouffées d'amour vont te submerger au coin d'une table, entrecoupées de quelques vertiges galactiques et de silences qui en disent long sur le bruit ambiant. Quelle posologie ? Tout le temps et jamais, quand tu veux, quoi. Aux toilettes ou avant de dormir, entre deux couches ou avant la partie de squash, n'oublie pas de bien caler ton exemplaire dans une poche de pantalon ou de short. Mais pas trop au r

Carrousel encyclopédique des grandes vérités de la vie moderne, Marc-Antoine K. Phaneuf (trad. par un hockeyeur, La Peuplade)

 Il existe des bouquins qui, s'ils ne sont pas parfaits, ont pourtant un charme fou. Ce sont même leurs défauts qui nous les rendent sympathiques. Vous trouverez le pire et le meilleur dans ce carrousel hilarant, jusque dans ses ratés. Dans "encyclopédique", il y a cyclo, qui rappelle d'ailleurs le carrousel. Les phrases tournent et retournent dans ce livre qui enfile les maximes ("les vérités") les faits et les observations, au fil de dix chapitres un peu fourre-tout sur l'origine du monde et celle des plaines, les caractères nationaux et les plaies physiques, les petits mensonges et les grandes vérités, les traits d'animaux et les réflexes périmés, les tiraillements et les tirés à quatre épingles, les mal fagotés et les bancals. C'est absurde, hilarant et parfois ça tombe à plat. Des sentences balancées presque au hasard avec un aplomb jamais vu ("la méchanceté fait maigrir", "les ramoneurs sont maladroits, mais savent danser&quo

Le Magasin de jouets magique, Angela Carter (Christian Bourgois)

  Le Magasin de jouets magique  de Angela Carter – Collection Titre. Christian Bourgois Éditeur – avril 2018 (roman traduit de l’anglais – UK – par Isabelle D. Philippe. 304 pp.  LdP . 8 euros.)   «  L’été de ses quinze ans,  Melanie  découvrit qu’elle était faite de chair et de sang  ». Cette phrase liminaire du roman  Le   Magasin de jouets magique  dévoile aussi bien sa protagoniste que le cœur de son propos. Le deuxième roman de la Britannique Angela Carter – par ailleurs autrice des phénoménales  Machines à désir infernales du Docteur Hoffman  – narre en effet l’initiation de son héroïne aux mystères d’Eros («  la chair  ») et de Thanatos («  le sang  »). En "bonne" sadienne – p ar  ailleurs essayiste, Angela Carter est l’aut rice  de  La Femme sadienne , une réflexion féministe sur l’œuvre du divin Marquis, publiée en français chez Henri Veyrier   – elle lie plus qu’étroitement les découvertes de la sexualité et de la mort par  Melanie . C’est ainsi aux instants mêmes d

Consumée, Antonia Crane (traduit de l'anglais par Michael Belano, Tusitala)

On l'écrit depuis un certain temps, Tusitala, jeune et très chouette maison d'édition, présente un catalogue magnifique. Souvenez-vous de Jacqui par Peter Loughran, de Francis Rissin par Martin Mongin ou encore La Bouche pleine de terre par Branimir Scepanovic... Mais ça manquait d'autrice, vous en conviendrez. Voici que débarque Consumée par Antonia Crane, travailleuse du sexe fière et militante, battante, tiraillée et écorchée, dont la vie se résume au strip-tease, dans les grandes lignes. Antonia est fauchée et il faut bien manger, payer les soins de sa mère mourante. La jeune Antonia voudrait arrêter mais tout la retient, une vie de mensonges, de drogue, d'alcool, elle l'ancienne boulimique sujette aux addictions. Des émotions sous cloche, des débuts de viol, apprendre l'art de la dissociation pour accepter le réel en échange d'une dépendance au travail du sexe. Comment en sortir ? Pourquoi se prostituer ? Des migraines à n'en plus finir, des sei

Élise sur les chemins, Bérengère Cournut (Le Tripode)

 Il existe des rencontres qui bouleversent des vies. Il existe des bouquins qui vous tombent des mains au bout de deux pages. Il existe des pages qui vous rendent captif de leur magie au bout de deux vers. Elise sur les chemins, dernier livre de Bérengère Cournut ( De pierre et d'os ), fait partie de cette catégorie. On connaît bien le géographe anarchiste, Élisée Reclus, et la quatrième de couverture nous précise : "un roman librement inspiré de la vie familiale du géographe et écrivain anarchiste Élisée Reclus (1830-1905)". Des prénoms qui sonnent comme, des promenades au rythme d'une carte, les paysages pour chansons et les enchantements des premières fois, le désir comme mantra. L'auteure nous embarque dans son petit monde peuplé de tritons, de tontons, de bidons et de coteaux, où l'on franchit des montagnes, où l'on croise des femmes-serpents, héros de contes et de légendes ancestrales. Tout ça fleure bon la géographie, une poésie du chemin et du lien