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Articles

Affichage des articles du 2023

Edgar Melethy, Le Grand surplomb, retour au Mont Analogue (La Fosse aux ours)

 Mais qui êtes-vous, Edgar Melethy ? Un écrivain féru d'alpinisme ? Le plumitif de l'expédition, de toutes les ascensions, spirituelles et physiques ? Seriez-vous poète de l'air et metteur en scène ? C'est bien dommage, j'aurais aimé lire vos autres romans d'élévation, et même vos poèmes en spirale, il paraît que vous en écrivez. "Un roman d'aventures alpines non-euclidiennes" comme un retour au mont Analogue avec Log de X, un chanoine, Edgar Melethy, dans un tonneau mal logé en quête du discolopax, cet oiseau infoutu de voler droit. Il faudra à l'équipée sauvage braver des torrents, des sentes, les lèvres du grand surplomb, renoncer aux alphabets existants, se frotter de science et d'anagrammes, débusquer les énigmes retorses du langage. Ah ces lettres en gras semées ici ou là telles un long fil torsadé. Loue la montagne chantait René Daumal, ce traité d'ascension à flanc de versant où la poésie se pique d'absurdités terrestres, pr

À pied d'oeuvre, Franck Courtès (Gallimard)

 Respect à Franck Courtès pour ces deux très beaux livres qu'il m'a donné à lire en cette année 2023. J'ai découvert sa plume avec son précédent recueil de nouvelles, Les liens sacrés du mariage , sur un sujet ô combien casse-gueule. Le couple, l'amour, blablabla... Un vrai tour de force qui m'avait grandement ému où l'auteur captait avec une finesse rare des instants fragiles et des territoires perdus. Les sentiments, les assortiments trompeurs, les retrouvailles, les brèches et les entailles, le moment où tout bascule, où les rouages se grippent. C'était diablement beau et émouvant. J'ai repris une lampée de Courtès avec ce À pied d'oeuvre. L'auteur n'a pas son pareil pour prendre des photos avec les mots, trouver le bon angle ou régler la juste lumière. Un projet différent ici : partir de la misérable condition de l'écrivain (quelle première page, qui dit tout !) que s'impose l'auteur après avoir lâché la photographie, métier

Souviens-toi de ne pas mourir sans avoir aimé, Marc Alexandre Oho Bambe (Calmann Lévy)

 On connaît le poète-slameur Captain Marc grâce à ses magnifiques recueils de poésie publiés ailleurs et chroniqués ici ( La vie poème ;   De terre, de mer, d'amour, de feu ), ses élans, ses tempos, sentiments sur le beat, la vie dans ses tourments, ses chants déments, et son art de la joie. Ici le jazz à l'âme et Jaromir qui reçoit un colis, un jour, un visage, la photo d'un homme qui ressemble à un père qu'il n'a pas connu. Inconnu à l'adresse des vivants, musicien des solitudes habité par la glace, la grâce, capable en quelques accords de briser le silence et les années d'errance. Un junkie plein d'amour pour sa fille Indira, ses textes, ses lettres, ses concerts, son addiction à sa quête, le jazz ou l'abandon suprême. Magnifique titre célébrant la démesure de vivre, les coups de poignard de l'absence, les injections d'amour shooté aux mots de la fin. Et la tendresse, la   musique, la vie pour nous lier à jamais. Magnifique titre pour ce

Chalumeau ma peau, Eugénie Hersant-Prévert (Les Carnets du Dessert de Lune)

 La collection Lune de Poche des éditions Les Carnets du Dessert de Lune, un petit format de 70 pages maximum pour un petit prix, une poésie contemporaine dont l'écriture vient percuter des représentations plus classiques de la poésie. Une manière de "désacraliser" la poésie. Voilà un programme qui nous parlait. Circassienne-équilibriste, la poétesse Eugénie Hersant-Prévert nous embarque dans un monde en mouvement, sur la crête des sensations. Nous invite dans ses élans de neige, ses poussières de mots et de flocons, les grondements des vagues, plutôt ceux de la mer que ceux d'une mère, les fatigues et les faims, les désirs d'une femme au bord de la nuit, un appétit sous les draps. Il y en a pour les frites toute molles mal cuites au four et les jeunes poètes, les femmes poètes et la vie devant. La vie à deux la vie seule, le corps et ses débordements, le corps et les assauts du temps, les pages tatouées, le sous-texte grisé comme un écho graphique du poème. On a

Le plus court chemin, Antoine Wauters (Verdier)

 On se sent si bien dans les mots d'Antoine Wauters, on s'enroule dans ses phrases entourées de blanc et de silence, on s'y love avec le sentiment rare d'être chez-soi, à la maison, dans un cocon rassurant. Ce cocon, c'est celui du partage des choses simples, l'écriture et l'enfance, un retour par les mots vers nos aînés, les lieux qui nous ont façonnés. Des villages en Belgique, l'école et son ennui profond, des lettres et des mots, encore des mots qui unissent et séparent. On se laisse envelopper par ses pensées d'écrivain, de fantôme, de gamin qui ne s'atteint pas, qui vit peut-être en voisin de sa vie. D'où l'évocation de la schizophrénie du romancier et ce besoin pour l'auteur de revenir sur sa propre enfance, expérience intime dont il nous présente la part d'universel sans aucune prétention sinon celle de toucher du doigt le fond d'une âme simple. Je pourrais écrire pendant des heures sur les beaux livres d'Antoine W

La Justice des hommes, Santiago H. Amigorena (P.O.L éditions)

 Après La Foudre de Pierric Bailly, je me suis plongé dans le nouveau roman de Santiago H. Amigorena, qui a quelques liens avec le premier cité. On y croise des "drames amoureux" et la justice, qui se voudrait l'arbitre des sentiments. Sauf que dans la réalité, il existe des lieux où tout se mélange, l'oubli et la mémoire, le bien et le mal, les gens mal intentionnés et les autres. On n'est d'ailleurs jamais sûr de se poser tout à fait les bonnes questions. L'amour et la morale ont-ils quelque chose à faire ensemble ? Les avocats comprennent-ils ce qui se joue dans un couple ou ne sont-ils qu'aveuglés par leurs intérêts et l'injonction à trouver une issue ? Pour comprendre les choses dans la vie, il faut souvent les perdre. Il faut un peu mourir pour les retrouver. C'est ce qui arrive à Aurélien un soir où sa compagne, Alice, lui annonce qu'elle le trompe avec Olivier, un type pas spécialement beau ou intelligent. Alice et Aurélien se sont

Le Diplôme, Amaury Barthet (Albin Michel)

 À ne fréquenter que les éditeurs indépendants, j'avais oublié qu'on pouvait lire de bons romans chez les "gros". Oui, je ne lis jamais de livre Albin Michel mais tout ça, on s'en fout un peu. Je débarque donc dans ma librairie préférée le sourire aux lèvres et j'ouvre au hasard Le Diplôme d'Amaury Barthet, appâté par un réseau social. Je lis les trois premières pages. Ça parle d'un prof d'histoire-géo désabusé : "Au fond, j'avais hâte d'être à la retraite." Ce style accrocheur dès les premières lignes, je ris dans ma barbe et aussitôt j'achète la bête. "Si l'auteur parvient à tenir ce rythme, je risque de ne pas m'ennuyer" me dis-je. Eh bien ce fut le cas. Mieux, il m'est arrivé de rire franchement juste après m'être dit, l'air pénétré, oui la France a un gros problème dans son rapport au diplôme, comme être planté devant des serrures rouillées dont on ne trouvera jamais les clés. Parce qu'i

Le Dernier jour du tourbillon, Rodolphe Casso (Aux forges de Vulcain)

 Roman du partage, des orages amoureux, des confessions avinées, de la gentrification, du blues et du jazz aussi. Les buveurs se font poètes du zinc, fantasment leur vie et vivent leurs rêves en sirotant des Get 27 ou en rejouant à Street Fighter sur arcade, le tout dans une ville en mutation. Les bobos, les hispsters, les babas veulent prendre le pouvoir mais les bars PMU résistent en plein Paris. Les amitiés d'un soir résistent aux voisins grognards, aux trafiquants de drogue, à la police, et même la musique s'en mêle pour enchanter les derniers jours du Tourbillon, ce rade qui sent bon le passé avec ses piliers de comptoirs, ses descentes et son sol, un carrelage de casson où s'épanouit Casso, bel écho aux caissons du quatuor à l'envers, des Quartet bien à l'endroit. Oui, ce roman enlevé et gourmand retourne la tête comme un voyage éthylique au bout de la nuit. L'alcool libère la parole, libère les frustrations au rythme des lampées d'Apérol (boivent-ils

La Foudre, Pierric Bailly (éditions P.O.L.)

 Oh le mauvais jeu de mots, mais je vais le faire. Le nouveau roman de Pierric Bailly m'a foudroyé, bouleversé, ému, pour des raisons évidentes. A chaque nouveau livre du gus, l'émotion est encore plus forte. Les Enfants des autres m'avait scotché, Le Roman de Jim aussi, tandis que Polichinelle  m'avait donné le sentiment à l'époque, en 2008, d'être en présence d'un grand de la littérature française. Après sept romans, mon intuition s'est largement confirmée. Et puis, rien à voir, mais comme Pierric Bailly, je porte des casquettes et des sweats à capuche. Bon, je ne lirai pas cinquante bouquins de la rentrée littéraire, pas le temps, pas l'envie, pas tout un tas de trucs. Rien de grave, un bouquin de Pierric Bailly vaut à lui seul toutes les rentrées littéraires. Bien malin celui ou celle qui réussira à m'émouvoir à ce point. Alors, de quoi cause La Foudre ? Du Jura bien sûr, le Haut-Jura en particulier, de la Valserine, de la vallée de Joux,

Roman géométrique de terroir, Gert Jonke (Monts Métallifères éditions)

 À quoi reconnait-on un bon texte en littérature ? Mystère, même si notre expérience nous permet de mieux savoir quel lecteur nous sommes, ce que nous attendons d'un bon texte. Un roman qui désoriente, nous arrache à nos habitudes, à notre de désir de personnage, d'intrigue, de style. Un bon roman nous défenestre, nous déroute, et bien malin le critique qui voudra, pourra cerner l'originalité d'un texte dans ses notes de lecture. Monts Métallifères éditions est une petite et récente maison appelée à figurer plus régulièrement sur L'Espadon, parce qu'elle propose une littérature qui excite et dissone, perd et difforme. Offrir et ouvrir le champ des possibles, faire exploser notre petit coeur de lecteur, le promener sur des chemins étonnants et déroutants, c'est le programme de ce Roman géométrique de terroir, réédition d'un premier livre paru en 1969, écrit par Gert Jonke, écrivain autrichien, et remarqué à l'époque par Peter Handke. Les bons romans r

Le Bonjour de Christopher Graham, Guillaume Decourt (AEthalidès éditions)

 Grande joie de vous parler de ma dernière découverte, les pépites poétiques de Guillaume Decourt. Une actualité riche pour le tennisman-musicien puisque deux recueils paraissent coup sur coup chez deux éditeurs différents. On vient de vous parler de Lundi propre   à La Table Ronde. Chez AEthalidès, dans la bien nommée collection Freaks, paraît Le Bonjour de Christopher Graham . L'Amérique en ses fictions, ou plutôt les Etats-Unis en ses mondialisations, disparitions, dérisions. Ce pays m'a toujours laissé dans un entre-deux, mi-effrayé mi-amusé, mi-fasciné-mi navré que je retrouve ici. 37 poèmes de forme fixe pour passer les clichés du pays à la moulinette de la métrique Decourt. Et le voyage est formidable. On lit beaucoup à L'Espadon et on ne tombe pas tous les jours sur des recueils aussi puissants, insolites, exotiques. On a coutume de dire qu'on lit de la poésie, des romans, de la littérature, blablabla... Non, ce sont plutôt les livres qui nous lisent. La furieu

Spoèmes, Olivier Hervé (éditions du Volcan)

 Grande joie de vous annoncer la parution de mon deuxième livre, un premier recueil de poésie dédié au sport, l'autre grande passion de ma vie avec la littérature. La tête et le corps, l'athlète et l'effort, un programme musclé et oublié en poésie. Alors on enfile ses baskets, on enfourche son biclou pour enfin savoir de quel bois on est fait. Du hockey au bûcheronnage sportif, du patinage au hippisme en passant par l'île Marante et le Racing club de France, j'ai évoqué mes paradis perdus, situés quelque part entre la pelouse du stade Yves-du-Manoir et les cols mythiques des Alpes. De l'énergie, de la mélancolie, du jeu de la joie des succès, des défaites et des peines chassées par la petite reine. Enchaîner les tours des pédales pour combler le vide, faire parler les silences et mettre du son dans nos absences. Un peu de sport, beaucoup d'espoir. Bonne lecture ! En vente et en commande dans toutes les bonnes librairies, et sur le site de l'éditeur, c

Lundi propre, Guillaume Decourt (La Table Ronde)

 Merveilleuse découverte poétique avec les dizains de Guillaume Decourt. Dizains, poèmes de dix vers, munis de décasyllabes rimés. Oui les portables sont insupportables / Mais pas les chansons de court canasson / Tell me Guillaume tennis ou idiome. Allez, j'arrête, mais comment évoquer ce recueil de soixante-dix poèmes sans trahir l'intention ? On se fout pas mal de l'intention finalement, ce qui compte c'est la réception. Aucune analyse ici poétique, juste des impressions en fuite, un feeling lifté sur des mots assemblés. De quoi parle Lundi propre ? De la Calabre et des States, des Calabraises et de Disney, du calendrier et de la peur de ne pas tout comprendre. Nager en mots libres, comme une danse pour muscler son coeur et surveiller la murène innocente. Guillaume Decourt fabrique des caraco de mots, des vers d'Acapulco, prépare des cocktails au rhum-coco en compagnie de son fidèle guanaco. Ailleurs on s'offusque de la domination masculine dans des décors roc