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Articles

Affichage des articles du octobre, 2021

Vendredi poésie #11

  Du bon et du beau en ce vendredi poésie, onzième du nom. On commence avec l'anthologie Chants must go on (poèmes farandoles), chez Mots Nomades éditions, une chouette maison de "petits bras associatifs". On y trouve une quarantaine de plumes, différents formats — du court, de l'haïku, du très court , des pubs, des annonces, des récitations, des maximes, des poèmes bien sûr, regroupés sous la forme d'une farandole poétique "qui s'est vécue au printemps 2020 pendant la Grande Quarantaine". Un livre qui parle d'une époque à sa façon, en chanson et chez soi, à la maison avec des voix par mails interposés. Une symphonie souvent drôle, une polyphonie émouvante et pleine de tendresse. Le masculin se change en féminin, on disserte sur les ex, les experts et les ex pères, on joue avec les mots et les sons, on tire des conclusions pour refuser de conclure quoi que ce soit, on bégaye, ça sonne, ça rigole et ça touche. Une petite émotion, une grande par t

La Nuit tombée sur nos âmes, Frédéric Paulin (Agullo)

 Convergence des luttes altermondialistes ou anti, convergence des gauches anticapitalistes à Gênes, en 2001, au sommet du G8. Répression et violence policière, ville muselée, anarchistes et black bloc dessinent en creux des paysages de combat, des espoirs noués au chaos, autant guidés par la foi en un autre monde que par les illusions qu'ils trahissent. Utopies et principes de réalité à Gênes au son de la colère, le XXIe siècle a peut-être commencé à Gênes, avant l'effondrement des Twin Towers, semble nous dire Frédéric Paulin ( La Fabrique de la terreur ). Wag et Nathalie, couple embarqué dans les vagues de manifestants (500 000), aux côtés de journalistes, de groupes noyautés par les flics ou des services de renseignement vont subir l'enchaînement tragique des faits. En face, des hordes policières prêtes à tout, des dirigeants politiques jaloux de leurs pouvoirs et bien décidés à mater la rébellion. Une question de principe et de jeu politique (Chirac, Besancenot et Kriv

Faut pas rêver, Pascale Dietrich (Liana Levi)

 Carlos est chelou : il parle en dormant. Carlos est chelou : il est gentil, prévenant, écolo, sage-femme, il aime les enfants et sa meuf, Louise. Il est intelligent, attentionné, fan d'une philosophie du care. Mais Carlos est vraiment chelou : c'est le mec idéal atteint de somniloquie. Il parle en dormant et joint le geste à la parole. Et voilà, ça peut devenir violent, très violent : meubles renversés, uppercut sous le menton, coup de poing dans l'oeil... Et Louise, logiquement, a peur. Est-il vraiment si gentil notre petit Carlos ? D'autant que la nuit, il évoque des femmes disparues-jamais retrouvées, Marbella, il rêve de voitures et d'accidents, de noyades et de morts. Oui, Carlos est hanté. Tout va bien pourtant, dans le civil. Alors, où est le hic ? Louise, pour se rassurer, décide de l'enregistrer pendant son sommeil et de faire traduire ses rêves par sa copine. Bah oui, il rêve en espingouin et Louise ne connaît pas un traître mot de cette langue chelo

Citadins de demain — Capitale du Nord 1/3, Claire Duvivier (Aux Forges de Vulcain)

 Oui, l'Espadon s'encanaille du côté de la fantasy, pour son plus grand plaisir, sachez-le ! Après le grand délice que fut le premier tome de cette double trilogie ( Le Sang de la Cité , signé Guillaume Chamanadjian), grande joie de retrouver Claire Duvivier pour ce second tome, consacré cette fois-ci à la ville du nord, Dehaven, et son double Nehaved... Récit d'aventures, d'apprentissage, quête initiatique, saga familiale, fresque politique ou pensées urbaines, on trouve un peu de tout dans cet excitant concept de fantasy, dont on ne pense que du bien. Si vous avez lu notre billet, vous saviez qu'on était emballé et pressé de lire la suite de cette saga à gros potentiel, comme une série TV impossible à lâcher. Mais attention, G. Chamanadjian avait placé la barre très haut. Le bougre avait quelques coups d'avance, mais j'ignorais tout. Pour la petite histoire, les six tomes de la saga ont déjà été écrits par les deux auteurs, avant son lancement en librairie

Perdre Claire, Camille Ruiz (Publienet)

 Un journal de deuil en vers libre, dédié à son amie Claire disparue trop tôt, à 27 ans, toujours trop tôt, c'est ce que propose Camille Ruiz, en 117 pages émouvantes. Journal de deuil, oui, mais album photo aussi (au figuré comme au propre) fait d'instantanés en mouvement, des chansons pop, lis-je sur le site de l'éditeur (je n'y avais pas pas pensé), morceaux choisis et tranches de vie, moins pour faire le portrait de son amie Claire que de se rappeler des contextes, des détails et surtout un lien qu'on voudrait indéfectible, par-delà la mort. Peut-on d'ailleurs se rappeler quelqu'un ? Quête impossible. Tout juste des bribes de souvenirs, des fragments d'existence, des moments à deux ou à plusieurs, et des paroles rapportées sur qui elle pouvait être, sur la part de mystère qu'elle renfermait et que renferme tout être humain. Nous sommes tous des énigmes, semble nous dire le livre, les uns pour les autres mais rien de grave, il reste les mots pour

Massacres, Typhaine Garnier (Lurlure)

Quand Myrtho de Gérard de Nerval devient Rime Hot ... Avec un temps de retard, toujours, je découvre la poésie de Typhaine Garnier. Configures   m'avait laissé entrevoir cet univers joueur, drôle à souhaits, expérimental. Je cherche encore quel lecteur de poésie je suis. Et, il faut bien le dire, à la lecture de ces deux recueils perchés, l'impression d'aller à peu près partout dans le champ des possibles avec une bonne dose d'impertinence et de respect envers les aînés. Une émancipation même, si on lit les deux recueils de Typhaine Garnier en suivant la chronologie des parutions. Massacres , donc, au pluriel, est un formidable jeu de massacres de notre patrimoine poétique. Dans l'idée de patrimoine, il y a l'idée d'un héritage un peu mort, de biens collectifs sans vie, sans âme. Typhaine Garnier a donc eu la brillante idée de choisir quelques poèmes de ses illustres aînés (une seule femme, Louise Labé) pour les massacrer. Ou plutôt les réinventer, les refor

Dans la Maison rêvée, Carmen Maria Machado (Christian Bourgois)

 Très beau livre sur la violence dans le couple, pensé comme une succession de courts chapitres à la manière de. Une question simple, qui en appelle beaucoup d'autres : comment écrire une autobiographie ? Où commence-t-elle et où finit-elle ? Le jour de la naissance ? Le jour de notre mort ? Au début d'une prise de conscience ? À la fin d'une relation destructrice alors que celle-ci continue à vous hanter, peut-être jusqu'à la fin ? Dans la maison rêvée aborde la question de la violence dans le couple homosexuel en général, et en particulier, celle moins évidente a priori, de la violence dans le couple lesbien, qui rejoint le questionnement sur les identités sexuelles. Angle original pour évoquer une histoire tristement banale, celle d'un couple qui s'aime avec passion puis se déchire, rejouant une relation dominante/dominée, où brutalité et emprise psychologique guident les échanges. La narratrice, peu sûre d'elle-même et boulotte, entre dans une relation t

La Grande Aventure, Victor Pouchet (Grasset)

 La grande aventure, c'est une balade en vue d'un col, l'écriture de poèmes qui forment un livre, c'est écrire un poème pour empêcher l'être aimé de partir, c'est une histoire de shampoing et de romans qui nous dépassent, c'est une histoire d'amour et de dauphins, un jeton de manège bleu à Montmartre pour raviver l'enfance, conjurer la perte, l'écoulement des journées qui passent. Il faut boire un gin tonic, en souvenir, pour oublier les montagnes qui nous assaillent. Ecrire des poèmes, alors, malgré les déserts d'inspiration, les aboiements des chiens. Partir, revenir, s'interroger aussi sur les événements de la vie, petites boules de réel qui débarquent sans crier gare. La mort d'un grand-père : Son coeur s'est arrêté / et il est mort très simplement, que l'on consigne dans un banal poème comme on s'interroge sur les contrebandiers... La Grande Aventure, c'est un dauphin, un découpage de solitudes. Suivez les pointil

Pédalées, Olivier Hervé (Lunatique éditions)

 Bonjour les amis. Joie et émotion, il est enfin là, le rêve d'une vie. Il s'appelle Pédalées et il est épais de 1,73 cm. Ni un essai, ni un roman, ni un témoignage, ni de la poésie, il croise un peu toutes ces approches pour parler d'une chose, le vélo. Et même d'une passion pour le vélo ! Il sortira le 15 novembre, dans toutes les bonnes librairies. Présentation sur le site de l'éditeur : " Pédalées propose 21 itinéraires littéraires comme autant d’étapes du Tour du France et de virages de l’Alpe d’Huez. Une Grande Boucle intime de 240km où les succès font écho aux douleurs, les défaites aux exploits. C’est aussi un hommage amoureux et critique à la petite reine, à ses beautés, à ses ratés, à la folie et aux illusions qu’elle fait naître. ​ Rouler, c’est… Un opéra en rafales. Être porté par les lieux, habité par les territoires. Un arpentage sensible. Mettre de l’ordre dans son chaos intime, laisser libre cours à son propre désordre. Une obsession, un truc q

Satires, Edgar Hilsenrath (Le Tripode)

Satires...  ça tire toujours des larmes un livre d'Edgar Hilsenrath. Et quand on sait que c'est le dernier, ça en tire encore plus. Puis des larmes de rire, aussi, car l'Edgar était un clown triste, hanté par la Shoah et la figure du nazi. Hanté par le retour au pays, homme aux racines floues et arrachées, une identité pétrie dans la langue et l'écriture, des pays où être chez soi quand on vous a tout pris. Sauf l'humour, sauf une folle tendresse pour ses personnages, sauf l'ironie, sauf le rire désespéré. Puisque ce monde n'a aucun sens, il convient d'en souligner l'absurde logique, le grotesque, dans des dialogues cinglants où Hilsenrath s'amuse autant qu'il dégomme, invente des mondes autant qu'il les détruits. Ce livre, c'est l'Allemagne vue par l'exilé, celui qui écrit en allemand mais ne comprend plus ce pays peuplé de nazis croupissants, de veuves déboussolées et de travailleurs immigrés qui ne comprennent pas un mot de