Si l'on ne sait jamais tout à fait de quoi parle L'arrière-saison des lucioles , il faut attendre les dernières pages pour en avoir un aperçu. En apparence assez banales, les histoires personnelles d'Henri Raczymow ont en réalité ce petit goût d'aventure qui sied aux livres bien écrits. Reprenant (p. 186) une phrase de La Nausée , l'auteur dit en peu de mots la possibilité d'une intention : "Voici ce que j'ai pensé : pour que l'événement le plus banal devienne une aventure, il faut et il suffit qu'on se mette à la raconter." Voilà, écrire un bon livre n'est pas bien compliqué. Il faut savoir raconter, et savoir raconter, c'est savoir écrire, bien écrire. Quézako "bien écrire" ? Y mettre des anecdotes, de l'intelligence, du recul — l'autre nom de l'autodérision —, un regard sur le monde, des regrets, des douleurs, et de belles images. Par les mots, la littérature, rattraper le retard qu'on prend sur la vraie
Au moment où je m'apprêtais à écrire la chronique du dernier livre d'Alain Freudiger, Au téléphone , j'ouvre par hasard les Poèmes dispersés de Jack Kerouac aux éditions Seghers, et je tombe sur cette phrase programmatique pour mon billet : "Ne vous servez pas du téléphone. Les gens ne sont jamais prêts à répondre. Servez-vous de la poésie". Oui, répondre au téléphone est toujours surprenant. Qui m'appelle, qui veut m'appeler, que veut-on me vendre, de quoi suis-je coupable ? Il paraît d'ailleurs que le téléphone fixe a gagné en mobilité ces derniers temps. Il a perdu ses fils, mais nous a-t-il fait gagner en partage, en liens, en amour, en solitude ? Le téléphone, qui unit désunit, sépare réunit. Quand le quotidien déconnecte, la poésie du mobile nous fixe à l'étonnement, ravive un temps disparu et reconnecte à l'essence d'une parole, d'un amour qui, toujours là, a besoin des silences parlés. La sidération d'une nouvelle. Une gra