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Articles

Affichage des articles associés au libellé famille

Elle, la mère, Emmanuel Chaussade (Les éditions de Minuit)

 Premier roman, nous dit-on, qui au bout de quelques phrases aimante déjà le coeur de son lecteur, tourné vers du son et du sens, en vers et contre tout. Car si le texte m'a interpelé d'une façon ou d'une autre, c'est d'abord par son écriture étudiée, d'une envoûtante musicalité. Les mots y sont brefs, les phrases sur la brèche. Texte incisif, au cordeau, rythme syncopé, urgence de nommer la tendresse, la détresse, la douceur et les pleurs. Car tout commence par la mise en bière de la mère, touchée à la fin de sa vie par Alzheimer, la mère devenue une Alzhei-mère. Et c'est toute une mémoire familiale qui resurgit par la voix du fils, pour dénouer les fils des ascendances et descendances. Des histoires emmêlées avec des imposteurs, des beaux parleurs et des violeurs, des petites filles sacrifiées et des fils rejetés, des femmes qui veulent effacer et oublier. Qui veulent sourire même si les rires disent parfois les souvenirs privés d'amour. Aimer, vraimen...

Ce qu'il faut de nuit, Laurent Petitmangin (La Manufacture de livres)

 Bon, dès qu'on me parle de la Horda Frenetik, mon coeur fond, c'est comme ça, ça me rappelle ma jeunesse. Oui, on l'oublie trop souvent, même dans les fratries, on se tape sur la gueule de temps en temps, entre Boys et Tigris, entre fachos et gauchos. Mais Fus et Gillou, eux, sont deux frères fusionnels, plus soudés que jamais depuis la mort de leur mère. Et puis la Horda de Saint-Symphorien a fini par être dissoute. Comme Fus, fils un peu désintégré, qui s'est perdu en chemin sur les sentiers de l'idéologie. Ou alors il a juste rencontré les mauvaises personnes. Pourtant, Fus, c'est un bon gars, le fils que tous les parents rêveraient d'avoir. Prévenant, gentil, sympa, jamais un mot de trop, prêt à filer un coup de main pour les potes en galère. "Est-ce qu'on est toujours responsable de ce qui nous arrive ?" Vaste question qui hante le bouquin. Allez, j'me mouille dans les eaux normandes, c'est du 50-50. La faute à pas de chance, ou à...

Au nom du père, Balla (éditions Do) ★★★☆☆

    Voilà un livre qui nous a fait beaucoup rire. Avant les dernières pages tout du moins, glaçantes ou d'une "inquiétante étrangeté". Au choix. Et pour cause, on aurait beaucoup de mal à trouver un héros aussi peu vendeur. Tenez : le narrateur est un père à l'air renfrogné, vieil homme aigri qui fait le constat d'une vie amère : du haut de son phare, il ressasse les échecs sans en comprendre les causes. Que reste-t-il d'une vie triste et solitaire ? Une maison familiale, construite par lui-même et son mystérieux frère. Ses deux fils, désormais adultes, ne l'ont jamais aimé. Trop volage, égoïste et méprisable. Son ex-femme, soupçonnée d'être folle, il la méprisait aussi. Ses parents, il n'a jamais pu s'entendre avec eux. Un mariage en ruines, une femme humiliée par des infidélités, des fils ignorés et cette maison, miroir de toutes les folies... Ce que l'on retient d'abord, c'est le comique, d'une cruauté cynique qui ...

Braves gens du Purgatoire, Pierre Pelot (Editions Héloïse d'Ormesson) ★★☆☆☆

     Aux Editions Héloïse d’Ormesson, on était restés sur le très bon «  Tableau de chasse  » d’Arnaud Guillon. C’est donc avec plaisir qu’on retrouvait Pierre Pelot, écrivain en marge des cercles littéraires, pour son baroud d’honneur avec «  Braves gens du Purgatoire  », son dernier effort donc. Un livre qu'on voulait aimer mais qui, hélas, ne nous a convaincus qu’à moitié. Explications.          Braves gens du Purgatoire évoque, dans un petit village vosgien, un assassinat. Maxime aurait tué sa femme avant de se suicider. Mais certains n’y croient pas, à commencer par leur petite-fille Lorena. Un fait morbide, départ d’une vertigineuse quête des origines…             Le style Pelot, qui a pu séduire ailleurs, est ici ce qui nous laisse sur la touche. Des phrases longues, insistantes ou trop précises,  riches d’adverbes et étrang...

Le Voyage du Canapé-lit, Pierre Jourde (Gallimard) ★★★☆☆

          Une petite anecdote. Voilà deux ans, je flâne au hasard dans les rues de Lisbonne et là, je croise une tête familière. Trois secondes plus tard : mais oui, c'est Pierre Jourde ! Je m'avance, intimidé, pour le saluer. Là, forcément, c'est un homme encore plus intimidé (voire surpris ? effrayé ?), qui me répond : mais comment savez-vous qui je suis ? J'ai lu tous vos livres pardi ! Comme si des textes pouvaient dessiner un visage. Et, ici ou là, j'avais dû « mentaliser » l'image de l'écrivain. Pourquoi ? Aucune idée. Les polémiques nées de la publication de " Pays perdu " ont dû me marquer. Mais surtout, Pierre Jourde m'a livré la clé de l'histoire dans le goguenard " Le Voyage du canapé-lit ", son nouveau roman. Page 35, il écrit : " Sans nous vanter, nous sommes dotés, dans la famille, d'arcades sourcilières assez proéminentes et d'yeux enfoncés dans les orbites, ...

Vigile, Hyam Zaytoun (Le Tripode) ★★★☆☆

     «  Vigile  » de Hyam Zaytoun est le récit court d’une nuit en enfer, suspendue au bon vouloir du destin. Une nuit donc, où l’homme qu’elle aime subit un arrêt cardiaque et sombre dans le coma. La mort qui frappe en plein cœur, sans appel. La chance de s’en sortir est réduite à la portion congrue, les médecins n’y croient même plus…     «  Vigile  » capture le désastre à venir et sa genèse ­— une femme avec deux enfants et sans père — sorte d’entre-deux entre la mort et la vie. Le deuil en son absence, en son invisibilité, en sa possibilité, une expérience par procuration. Ce qui frappe, c’est la douloureuse conscience d’une condition partagée. Car dans notre désir d’éternité, le livre nous rappelle sans détour la possibilité de la mort, la possibilité d'une fin avant l'heure, sans préavis. Déjà mort, encore vivant. Le témoignage, déchirant, décrit ce qui traverse la crise, la possibilité de la perte, image impe...

Un poisson sur la lune, David Vann (Gallmeister) ★★☆☆☆

On l'attendait, le voici, le dernier roman de David Vann chez Gallmeister, Un poisson sur la lune , confession d'un suicidaire entre autofiction et réalisme cru.                 Vouloir se retrouver en pièce, le ventre en vrac, comme à l'issue du déchirant Aquarium, était peut-être chose vaine. Ces émotions sont très rares. A l'image des grands livres. Sans être le meilleur roman de l'auteur américain, Un poisson sur la lune est une pierre de plus dans son histoire familiale cabossée. Toutes les familles sont psychotiques, paraît-il...           On l'attendait en cette rentrée 2019. Sans doute trop. Une petite déception même si Un poisson sur la lune reste un roman intéressant. Le suicide donc, ou sa tentation ultime, lancinante, le Magnum fiché dans la poche arrière du jean. Jim, pêcheur et chasseur en Alaska, lourdement endetté, sent la délicieuse présence d...

Un cadenas sur le coeur, Laurence Teper (Quidam) ★★★☆☆

           Un cadenas sur le cœur , premier roman signé Laurence Teper, se présente d’abord comme un léger récit de vacances. Avant de bifurquer vers la quête d’identité sur fond de Seconde Guerre mondiale. Dans les pas de deux familles, les Meunier et les Coquillaud, fidèles comme un couple lors de leurs vacances à Saint-André de Gironde. Mais rapidement, les relations se teintent de bizarreries… Et Claire Meunier de décrire cette mère acariâtre et maniaque, Ludovic, ce petit frère encombrant, ou ce Georges Coquillaud, «  petit, un peu court sur pattes, un peu flasque et trop glabre.  » Le décor est posé… Claire avait beau avoir fini par atteindre un certain âge, être mère de trois enfants qui n’étaient plus des bébés, avoir déjà et encore toutes ses dents (…), elle était encore et toujours avant tout une bonne élève.           C’est l’histoire d’un puzzle familial ...