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Articles

Affichage des articles du mai, 2020

Olivier Bruneau : "M'emparer de sujets contemporains pour en faire des divertissements intelligents, à la fois accessibles et complexes".

Jeudi 28 mai 2020, L'Espadon a décidé de célébrer la parution aujourd'hui, en librairie, d' Esther,  avec l'interview de son auteur, Olivier Bruneau. Après seulement deux bouquins, il est déjà le "Messi" des lettres françaises. Avec Dirty Sexy Valley en 2017, tonitruante parodie de slasher, l'auteur avait conquis le titre de rookie de l'année. De retour avec Esther , satire moderne et thriller qui fait d'un lovebot le personnage principal, il vient confirmer l'étendue de son talent. En lice pour le titre de MVP en 2020 ! C'est bien simple, on trouve tout ce que l'on aime dans ses livres : humour goguenard, intelligence de l'analyse, sexe enfiévré au service du récit, personnages toujours drôles ou flippants de réalisme,  emballés dans le divertissement et le suspense... Chez Olivier Bruneau, il suffit d'un mot placé au bon endroit pour déclencher un fou rire. Distiller l'ironie. C'est du très haut niveau, et c'

La Mort et autres jours de fête, Marci Vogel (Do éditions)

Une année de poèmes en prose, album photo qui procède par petites tranches de vie. Une année en décalage horaire rythmée par les quatre saisons de la vie et de la mort, le deuil et les ruptures, les alliances de circonstance et les petits riens immenses. Mais le printemps est le moment où tout peut s'effondrer comme l'hiver fait les renaissances. Décalage horaire et saisons inversées : April perd ses proches au printemps mais tente de renouer avec le monde par les rencontres en hiver, attentive aux anecdotes du quotidien. La Mort et autres jours de fêtes  n'est pas un livre qui a fabriqué des images fortes dans mon esprit. Il m'a ému comme je regarde un vieil album de photos de famille, plein de clichés qui disent un miracle, celui du renouveau. Je me suis donc plutôt laissé prendre par l'ambiance, d'une chaleur ouatée. Ses mots sont de l'eau qui glisse entre les doigts, qui vous caressent et vous bercent. Il m'a fait le même effet que le récen

Pierre Terzian : "J'avais un regard assez slapstick sur les choses".

S'il fallait choisir un bouquin qui incarne l'esprit de l'Espadon, Ça fait longtemps qu'on s'est jamais connu ,  signé Pierre Terzian (Quidam), figurerait en première ligne. Humour à tout-va dans des jeux de langue étourdissants, dialogues tendres et percutants, ça dézingue et ça se moque avec une vraie bienveillance dans des scènes courtes, l'esprit vachard aussi. Derrière le comique, les ruades en garderies de Pierre Terzian dessinent un propos moins léger qu'il n'y paraît. C'est le tableau d'une région, le Québec, et d'un pays, le Canada, à la fois merveilleux et assommants, où l'exotisme de carte postale donne la réplique à l'abandon des services sociaux. On navigue alors au pays de la débrouille avec des garnements aussi joueurs qu'insupportables, des éducs aussi illuminés que fascinants. Voilà un bouquin qui condense tout ce qu'on aime : humour, travail sur la langue, énergie, musicalité de l'écriture et propos

La Cité des Rêves, Wojciech Chmielarz (Agullo)

Il m'arrive de lire de la littérature hongroise certes. Des mots imprononçables et des noms illisibles, on en trouve à la pelle. Mais alors là, en Pologne, c'est pas mal non plus. Le pauvre lecteur français que je suis a bien galéré avec tous ces noms peuplés de "z", de "jcie", "zkie". Allez, avec moi : Hajduszkiewicz, Jankowski, Borzestowski... Renata, Olga, Magda et Mortka, et même le Kub (ça en jette ça), c'est plus simple.  Passée cette difficulté autochtone, on se plonge dans une cité cossue de Varsovie, petite gated community où vient de se produire un meurtre. Allez savoir pourquoi, quand je visualisais la cité des rêves, je m'imaginais une barre d'immeuble stalinienne, décrépite, aux murs sales, égarée en ex-URSS. Les clichés et les préjugés ont la vie dure. Car cette petite élite polonaise coincée dans son Paradis blanc a sans doute quelques secrets à garder. Suzanna Latkowska est donc morte, violée et poignardée vraisemblabl

Chroniques expresso : "Une fois et peut-être une autre" / "La Bouche pleine de terre"

Une fois (et peut-être une autre)   par Kostis Maloùtas et  (X) fois  par Samouïl Ascott, Do éditions, août 2019, 16€. Il sera dit rapidement que Borgès n’aurait rêvé mieux que ce livre certainement écrit par des singes mais qui se trouva devenir un vrai roman, à tel point inédit qu’il en existe une copie presque parfaite écrite à l’autre bout du monde. Paradoxe fantastique qui dit évidemment que tout a déjà été écrit et que l’on ne fait que repasser, à sa manière, sur les traces des grands anciens. Magnifique exercice de style où l’on part d’un roman qui trouve son double, puis dans un jeu de poupées russes qui sait aussi avancer masqué, le récit avance avant de se faire embarquer par la voix du personnage qui voulait être auteur (il y a du Pirandello forcément aussi au coin de ces livres), sous la plume du narrateur ultime, qui évidemment n’existe pas. Compliqué de relâcher les zygomatiques à la lecture de ce roman hommage aux textes et à ceux qui s’y consacrent. Le cou

La Ville soûle, Christophe Grossi (Publie.net)

Les territoires, les lieux en littérature, c'est le pays où l'on n'arrive jamais, insaisissable objet de désir, de désert. Ils fuient l'homme drapé dans l'urgence. Ou alors c'est le regard qui bute sur un présent bombardé d'images, saturé de couleurs qui défilent. Peuplés de fantômes en fragments, de paroles envolées, seuls les mots assemblés peuvent leur redonner une unité qui ferait sens. Il fallait bien un livre dans les sous-sols de la capitale, une promenade sur l'autre versant de la conscience pour rythmer ces "métroprismes" et nous rendre plus attentifs au tumulte qui épuise. Ligne 6, ligne 8, ligne 9. Richelieu-Drouot, Nation et Raspail, Denfert-Rochereau. Elles finissent par se confondre dans l'attente d'un métro, esquissent des correspondances dans le vertige de la perte, les phrases lancées au hasard de l'ennui, de vies sourdes et muettes. Puis dans les bus, à Saint-Sulpice, sur les grands boulevards ou dans un ca

Valérie Cibot : " Je crois à l'animalité du corps".

La Terre travaille en silence, cela s'appelle l'érosion. C'est justement le sujet du deuxième roman de Valérie Cibot, — une île soumise à un travail de sape et que menace une immense vague, Nos corps érodés ( Inculte éditions )—, paru peu avant le début du confinement. Comme l'écrivain dans l'ombre qui travaille et retravaille sa matière jusqu'à trouver le bon souffle, la bonne musique, du sac et ressac de l'inspiration naît la beauté des corps exposés aux métamorphoses. Une poétique, une façon d'habiter les lieux dans les sonorités d'une langue pour donner corps aux imaginaires. Valérie Cibot nous en dit plus sur ce texte organique, peuplé d'enveloppes ravinées mais résilientes. - Question "anecdote" : à quelle île avez-vous pensé en écrivant ce livre et comment vient l'idée d'écrire sur une vague qui emporte tout ?  Je n’ai pas pensé à une île en particulier, parce que je ne veux pas rendre compte d’une si