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Articles

Affichage des articles du décembre, 2020

À tous les airs, Stéphane Vanderhaeghe (Quidam)

 L'auteur m'avait pourtant mis en garde : "Attention, il va vous falloir du courage pour comprendre mes petites dames. Elles sont coriaces et elles ont donné du fil à retordre à pas mal de monde !" Alors, vous pensez bien, je me suis jeté dans la gueule du cimetière et ses histoires de silence par milliers. Pour voir ce que les morts — étonnamment vivants mais fuyants — avaient à me susurrer. Le bruit du monde, la rumeur des vies sur un petit air de musette, la ritournelle de nos errances à pas feutrés de par le monde, à travers les pas d'une vieille dame qui déambule dans les couloirs du cimetière. Bon, en fait, cette petite vieille dame est attachante. Elle m'a rappelé cette autre vieille dame de mon quartier qui, pendant deux ans, sortait en pantoufles et chemise de nuit dans la rue trempée, pour raconter ses histoires hirsutes, allant même jusqu'à sonner chez moi pour terrifier toute la maison avec ses cheveux de nuage. "La folle du quartier"

Grande tiqueté, Anne Serre (Champ Vallon)

 Alors ce livre, mes amis, est magnifique ! De la grande, très grande littérature. Je n'y ai pourtant pas compris grand-chose, à l'histoire, mais j'ai ressenti tout ce que ce texte voulait me signifier. Je suis incapable de mettre des mots dessus mais il me faut pourtant en dire deux trois choses. J'ai vaguement perçu l'histoire d'un vagabondage amical sur une route mal située où l'on croise différents personnages qui entretiennent des liens de nature différente (merci à la postface de m'avoir éclairé). On peut prendre ce texte comme un conte. Je l'ai surtout accueilli comme une comptine ou une chanson qui parlait d'abord à mes oreilles. Anne Serre, chamane-musicienne, se pose d'ailleurs la question dans la postface. Oui, je confirme, la littérature est souvent pour moi et d'abord une affaire de rythme, d'énergie, de musicalité, d'écriture, de sensations avant d'être l'appétence pour une intrigue et du sens. Vous me direz,

Le Dit du Mistral, Olivier Mak-Bouchard (Le Tripode)

 Je vais devoir m'y habituer (ou pas) mais c'est toujours, toujours la même histoire avec les éditions Le Tripode. Leurs livres commencent gentiment, dans des univers à peu près ordinaires, routiniers, et il faut un certain nombre de pages (50-100?) pour prendre le pouls du récit qui se joue souvent d'une quelconque "intrigue", au sens le plus classique du terme. On se prend alors une jolie vague de mots et d'images en plein visage, mais toujours douce et puissante. Ça vient de loin. Des livres à l'étonnante longueur en bouche, dont on se souvient presque toujours des années plus tard.  On avance gaiement dans notre lecture, le cadre est posé sans effet et on s'installe confortablement au coin du feu ou près d'une roche calcaire, pour écouter l'histoire qu'on veut bien nous raconter. Un récit porté par le vent et les légendes, les terres ancestrales et ce qu'elles disent de leurs habitants. Ici une région de pierres bercée par le soleil

Trencadis, Caroline Deyns (Quidam)

 Après avoir lu cet organique  Trencadis , signé Caroline Deyns, il faut bien reconnaître la force et la pertinence d'une narration qui procède par fragments et éclats, pour donner à ressentir un univers mental dans sa réalité la plus nue mais aussi ses manifestations physiques qui dépassent toujours la capacité à en appréhender les ressorts. Ce Trencadis en fournit, à mon sens, une parfaite illustration. Saisir des versants et des facettes pour dessiner une unité de trajectoire, recomposer l'unicité de l'expérience. Esquisser un visage. Peindre la chair. Il faut bien le dire, ce livre m'a bien plus intéressé que l'oeuvre de Nikki de Saint-Phalle dont je n'avais en tête qu'une image lointaine. Miracle de la littérature, je vais y revenir, à ces images, à cette puissante dame par le texte de sa vie, par la prose de Caroline Deyns. Une écriture en prise avec son sujet, dans un corps-à-corps langagier et corporel qui ne souffre aucune esquive ou coup bas. C

Faits divers extraordinaires sur la vision des couleurs, Camille Bordas (Inculte)

Il se trouve que le précédent livre de Camille Bordas, Isidore et les autre s, trône discrètement dans ma bibliothèque. En toute sincérité, je l'ai à peine feuilleté. Mais j'ai bien lu Faits divers et extraordinaires sur la vision des couleurs , peut-être la porte idéale pour entrer dans l'univers de l'autrice. Trois nouvelles donc pour un titre à rallonge. L'occasion de découvrir une ambiance flottante, à mi-chemin entre la routine cocasse qui fait la part-belle à de curieux paradoxes et le sentiment d'une catastrophe imminente qui vient doucement casser la feinte légèreté du récit, mélange de naïveté et de terreur latente avec l'ombre des attentats en toile de fond. La première nouvelle, Ils meurent jeunes en général,  évoque le sentiment de peur qui agit en souterrain, dans les mots et les attitudes au quotidien. La peur qui contamine toutes les paroles et tous les comportements. Poussées paranoïaques, personnages gentiment névrosés, inquiets ou en reta

L'Espadon fête ses deux ans !

  En ce mois de décembre 2020, l'Espadon fête ses deux ans sans spasfon mais avec joie et bonne humeur ! Un grand merci à tous ceux qui nous suivent, nous lisent et nous écrivent. Toutes les marques de sympathie témoignées ici ou là sont bien sûr notre carburant pour lire toujours plus et mieux. Une belle année de romans encore, des lectures marquantes, des prises de risque, des dérapages contrôlés, de vraies claques, des découvertes nombreuses, bien des rires aussi et une admiration sans bornes pour tous ces auteurs et éditeurs qui, tant bien que mal, tentent de faire exister ce que les canons du marché voudraient taire. Plus que jamais, ce blog existe aussi pour mettre en lumière ce travail et ces passions de l'ombre. On aurait voulu faire plus de rencontres, encore, mais celles-ci ont été reportées à "une date ultérieure". Côté écriture, un premier texte achevé, envoyé et qui a trouvé son éditeur. Quel bonheur ! J'ai hâte de vous en parler... mais je remercie d

Demain la brume, Thimotée Demeillers (Asphalte)

 De Nevers àVukovar, d'une transition adolescente fragile à l'éclatement de la Yougoslavie dans les années 90, Thimotée Demeillers fait résonner avec fracas l'illusion des quêtes amoureuse, identitaire, familiale, individuelle et collective, tentant de circonscrire des trajectoires tout en déviations et détours. Une façon de s'interroger sur la fin des grands récits et paradigmes à travers les voix d'une jeunesse avide d'exister dans les excès ou les sentiments qui rendent le plus vivant. Des espoirs au son de la guerre, des bombes et des nationalismes, donc, ultimes portes de sortie d'horizons bouchés. Des histoires individuelles au miroir des sabordages collectifs de fin de siècle qui ne laissent aucune place à la nuance. Des personnages sommés de choisir leur camp, entre ennui profond et désir de transcendance, et surtout de réveiller leur vie au son du rock ou des explosions. Il faut se trouver une voie, un chemin digne d'être emprunté, construire se

Cinquante façons de manger son amant, Amelia Gray (trad. de l'anglais par Nathalie Bru, L'Ogre)

Trente-sept nouvelles pour sculpter nos solitudes. Trente-sept nouvelles pour encapsuler et libérer l'horreur. Trente-sept nouvelles où se tapir avec ses angoissantes angoisses. Trente-sept nouvelles pour cajoler la menace. Trente-sept nouvelles comme un dédale de peurs Trente-sept nouvelles de canalisations et de viscères. Trente-sept nouvelles pour hacher menu les certitudes. Trente-sept nouvelles pour avoir le coeur gros comme une baleine. Trente-sept nouvelles pour se la couler douce au milieu des couteaux. Trente-sept nouvelles pour rire du malheur et le tourner en dérision, au hachoir Trente-sept nouvelles pour se ruer dans des impasses. "No exit" Trente-sept nouvelles pour flipper. Trente-sept nouvelles pour ne pas comprendre comment le disque a sauté. Trente-sept nouvelles pour aimer nos fictions comme des réalités. Trente-sept nouvelles pour communier dans une solitude partagée. Trente-sept nouvelles pour s'autoriser à trancher, castrer et taillader. Trente-s