La rupture amoureuse mène tout droit au vol de vélo en ville ou à l'hôpital psychiatrique. Ça peut vous conduire aussi sur un bateau-mouche à délirer en compagnie de charmants invités qui veulent votre peau. Carla, c'était sa drogue, sa dépendance, son trauma, sa transe... Cyril Montana écrivait en 2003 sur le sujet le plus rebattu au monde, l'amour et ses tracas, les sentiments et leur fin, bref le chant de l'impermanence. On s'aime et on se quitte, on se rencontre et on va rompre. Etats d'âme d'un trentenaire sous forme de romance nerveuse, Carla on my mind décrit les affres de l'abandon, de la solitude et cette putain de boucle mentale qui assaille quand on vient de se faire larguer. L'obsession, le délire, la descente aux enfers en apnée, un manque impossible à combler. L'amour est un salaud. Pas de renaissance, juste une profonde léthargie mi-amusée mi-désespérée, une dépression mélancolique parfois contemplative.
Torpeur angoissée, joie du délire, l'ambivalence est malicieuse. Capable de passer du rire aux larmes en un coup de braguette. Plutôt que de la jouer désespéré, Cyril Montana la joue petit vélo dans la tête, sur un mode heureusement comico-tragique. Deux trois chutes, quelques meet sur le Net, l'extase et la redescente, ça pédale dur dans son cerveau hanté par la séparation, l'odeur d'une peau qui n'est plus. Et sa voix, putain, sa voix à Carla. Mais ce qu'il voit, plutôt que Carla, c'est sa coloc rousse, boulotte, à cheval sur les tâches ménagères (il déprime, tu le vois pas ?) et ses potes branquignoles étrangement lucides, qui lui donnent des conseils mystico-new-age pour s'en sortir. Une soirée qui déjante, des potes chelous, des filles croisées sur le Net, notre héros pignouf au chômage ne s'en sort pas, ne s'en sortira pas. Ça prend même un tour violent parfois. Son âme saigne et son corps se délite.
Oui, c'est ça, j'allais me tuer, ça allait régler tous mes problèmes, affectifs, financiers et autres. Quand je suis rentré de mon jogging nocturne, il était plus de quatre heures du matin, et Caro dormait encore. J'imaginais déjà ceux que je connaissais à mon enterrement et surtout Carla pour qui j'allais devenir une sorte de héros romantique.
Lu en deux heures autour d'une piscine toute calme, ce roman court et nerveux m'a bien réveillé les neurones. L'écriture est allègre et trashy comme on aime. On embrasse le flow à la première personne, ça claque et ça pulse sur un rythme enjoué, dans un esprit grivois et goguenard. Cyril Montana parvient à nous faire ressentir le tragique du truc le plus ordinaire du monde, sans oublier de ne pas trop se prendre au sérieux par son humour rentre-dedans prêt à dézinguer gentiment son héros pieds nickelés. Non, il se prend plutôt au jeu de l'écriture défouloir. Un certain nombre de scènes, cocasses ou loufoques, sous Lexomil ou bercées par l'ennui et la peine, touchent en plein coeur d'écorché. Comme un camé, on tourne les pages frénétiquement en sachant qu'on va droit dans le mur ou dans la Seine. On devrait pleurer du début à la fin, mais on ne fait que rire de ce drame rejoué à l'envi par un héros qui se consume et se love dans l'autodestruction. La détresse est sourde, le style plein de gaieté. Sans doute pas le chef-d'oeuvre du siècle mais un livre catchy en noir et rose, avec en fond ce rire désespéré assez émouvant. Attention, la rupture amoureuse mène tout droit à l'HP. On vous aura prévenus.
Carla on my mind putain, Cyril Tony Montana, Le Dilettante sous acide, J'ai lu poche de secours, 2003, 4,20€ l'antivol
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