Accéder au contenu principal

Tartan, Olivier Chapuis (BSN press, collection Uppercut)

 Une obsession remplace une obsession. Un bourrelet, tout commence quand Simon s'observe dans la glace. Et ce qu'il voit est pire que la mort, un bourrelet nom de dieu ! Hyperactif de la sédentarité, Simon mène une vie tranquille. Un boulot d'architecte, une famille bien sous tout rapport, deux enfants magnifiques, tout allait bien jusqu'à ce jour où il découvre l'impensable. Simon a quarante balais, toutes ses dents, mais la vie et ses articulations couinent à chaque pas. Le type est rouillé, il ne l'a pas vu venir. Un seul regard dans le miroir a suffi pour enfin réaliser. Il avait pris un coup de vieux, il allait devoir se retrousser les manches. C'était sympa les hôtels de luxe, les business class et les plages privées. Mais ça n'était guère suffisant pour rendre un homme heureux. Au moment où on lui confie un projet d'envergure, Simon est rapidement gagné par la fièvre de la course à pied. En milieu de vie, Simon redécouvre son corps. Il y prend goût, un peu trop, et sa femme Natacha tente de lui ouvrir les yeux une deuxième fois...Trop tard.

Tartan, un titre sympa, un court roman joliment écrit par Olivier Chapuis, un auteur suisse féru de cyclisme et de sport en général. Le travail, les amis, la famille, la routine. Simon est un type jusqu'au-boutiste dans tout ce qu'il entreprend. Quand il voit son visage, il distingue le début d'un affaissement. Le roman décrit cette prise de conscience et l'éveil de Simon au running. Le travail contaminait son quotidien, le sport à hautes doses va prendre le relais, et toutes les injonctions familiales vont voler en éclat. Une histoire tragiquement classique,  rondement menée par Olivier Chapuis. Avec des mots simples et précis, il suit les tours de piste du gus, l'aliénation rampante et la distance qui se creuse entre lui et son environnement. Le prix à payer pour se connaître et savoir où l'on en est sur l'échelle du bonheur et de la réalisation de soi. Ca sent le vécu, ou du moins une bonne connaissance du phénomène dont on découvre le mot dans la dernière phrase du livre. C'est même le dernier mot utilisé avant le point final. Mais ce n'est pas la fin de l'histoire, plutôt le début d'un long cauchemar. Le livre débute donc avec une prise de conscience, et s'achève avec une deuxième prise de conscience. Entretemps, Simon se rend compte qu'il traverse la vie en fantôme. Les endorphines, le bien être, la légèreté... Simon vit une ascension physique et spirituelle avant la chute.

Il respirait l'air des bois, touchait l'écorce des troncs, savourait la douce amertume de l'effort. Muscles, tendons, veines, ligaments. Son corps travaillait, son corps vibrait. 

Olivier Chapuis, au-delà de la maîtrise du rythme et du découpage en chapitres courts et efficaces, glisse des clins d'oeil ou se fait le témoin ironique, jamais moqueur, de la trajectoire de Simon. Le lecteur sait, le narrateur aussi, et pourtant tous foncent dans le mur, au-delà du 30e km. Une question de tempo, de souffle court, de jambes incandescentes, d'euphorie, d'entraînements, de compétition sans fin... puis les retards, le travail bâclé, les enfants oubliés... Au fond, pourquoi tout ça ? Se retrouver devant un enquêteur, avec un genou déliquescent ? Oui, pourquoi ? Quel prix fallait-il payer pour oxygéner le corps ? Trouver ce qui obsède, ce qui réalise, ce qui fuit et ce qui détruit. Le sport est finalement un bon maître en la matière, même si ses méthodes sont parfois rudes. Le corps et l'esprit, la joie de l'effort et la douleur de comprendre. Une enthousiasmante lecture, une écriture délicate. Heureuse découverte.

Commentaires