Vladek Spiegelman, juif polonais, raconte à son fils Art comment il a survécu aux pogroms et aux camps de la mort. Entre autobiographie et autofiction, la Shoah vue à travers le regard d’un des rares rescapés d’Auschwitz. Un classique.

A l’occasion du 25ème anniversaire de sa publication, Flammarion édite conjointement une édition intégrale de Maus et un livre, MetaMaus, qui revient sur les conditions de sa réalisation. Publié pour la première fois dans la revue RAW de 1981 à 1991 aux États-Unis (en deux livres à partir de 1987 en France) et seule BD récompensée à ce jour par le prix Pulitzer, Maus est considéré comme le « premier chef d’œuvre de l’histoire de la bande-dessinée » par The New-Yorker. Les qualités de Maus furent d’ailleurs justement saluées : un traitement narratif sobre et distancié, celui d'un témoignage déchirant fait d’allers-retours entre passé et présent, sous la forme d'un dialogue entre Vladek Spiegelman et son fils Artie ; un sujet grave porté par l’universalité de son propos et abordant des thèmes profonds : lente déshumanisation, aliénation, antisémitisme, poids de la culpabilité des survivants, peur du manque et du vide; et une approche graphique ingénieuse, celle de la métaphore animalière où les Juifs sont représentés en souris traquées et les nazis en chats prédateurs sadiques, référence claire et directe aux stéréotypes de la propagande nazie montrant les Juifs comme des rats. A ces partis-pris et astuces formelles s’ajoute le récit poignant de Vladek, qui nous plonge au cœur de l’horreur génocidaire de la Shoah, des pogroms aux déportations de Juifs en Europe de l’Est, jusqu’aux ghettos et chambres à gaz de Pologne. Ici, Spiegelman réussit le tour de force de montrer l’impensable et de raconter l’ineffable, prouvant au passage tout le potentiel narratif de la BD, en une parfaite synthèse graphique des styles comics et franco-belge. Mais survit-on réellement à la barbarie la plus aliénante ? La femme de Vladek, Anja, s’est suicidée en 1968, et lui, dépeint en homme irascible et angoissé, est hanté par le souvenir d’Auschwitz, tandis qu’il entretient une relation compliquée avec son fils…Avec Maus, Spiegelman a montré que la BD était tout à fait capable d’explorer d’autres champs narratifs, plus graves, plus sérieux et plus littéraires. Rare et bouleversant, en plus d’être un formidable outil de transmission et de pédagogie, Maus est un livre essentiel du 9ème art (mais pas seulement !). A lire pour lutter contre l’oubli qui guette. Un monument.(5/5)
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