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Le code Twyford, Janice Hallett (trad., Cécile Leclère, Denoël)

 Un petit thriller de temps en temps, pourquoi pas. Mieux, on s'est rendu compte qu'on n'en lisait pas assez à L'Espadon. Se laisser prendre par des voix multiples, s'abandonner à des horizons cassés, au suspense d'une narration bien ficelée fait du bien, beaucoup de bien même. Alors, c'est décidé, l'esprit plus léger (ou pas d'ailleurs), on ira fouiner du côté de page turner qui offrent en outre, si possible, l'originalité d'un regard sur le monde. Soyons honnêtes, ça n'est pas trop le cas dans Le code Twyford même si on ne va pas bouder notre plaisir. Un roman de 400 pages assez vif, qui raconte deux histoires en une. D'une part le destin d'un malfrat qui a passé onze ans en prison : son "recrutement", l'origine de ses errances, ses casses, sa chute et sa rédemption. D'autre part, le même personnage qui évoque une révélation à partir de la lecture d'un livre quand il était en cours de soutien pour élèves en difficulté, et de sa relation à sa maîtresse d'alors, une certaine missile, ou Miss île. L'énergie du livre vient de ces courts chapitres, en réalité des retranscriptions d'enregistrements audio faits sur un Iphone, celui du fils du malfrat qui ne veut plus voir son père.

Il faut accepter de ne rien comprendre et de se laisser embarquer en Angleterre dans une histoire rocambolesque qui mêle les services secrets, les nazis, l'espionnage, l'Abwehr, dans une quête bourrée de signes, de codes, d'acrostiches, de fausses pistes, de virages et de détournements. Avec une question : aurez-vous suffisamment la foi pour aller au bout ? C'est la question que posait la série Lost : à quel point ferez-vous confiance à ce qu'on vous raconte ? Plutôt malin ce bouquin qui joue à saute-mouton avec la vérité et la fiction, avec son lecteur qui n'a pas d'autre choix que de se laisser prendre par la main pour comprendre. Ou du moins avec l'espoir de comprendre. Car notre narrateur semble à la fois peu fiable et parfaitement digne de confiance. Les voix des amis se croisent, les situations se précisent ou se brouillent, l'intrigue voyage vers des destinations improbables, entre l'Afrique, l'océan et la Grèce. 
Encore une journée qui se termine. Pas de nouvelles de Donna. Je ne sais pas ce qu'est ce code Tyfford, mais il n'est pas de notoriété publique. Les seules personnes qui semblent avoir eu vent de cette histoire, et je ne parle pas d'y croire, sont Donna, missile et, eh bien (...) ton serviteur, on va dire.
Au coeur de la quête, l'or, toujours l'or. Volé, emprunté, prêté, dispersé, caché, en mouvement. Comme ces voix trouées, ces enregistrements pleins d'erreurs ou d'omissions, volontaires ou non. Une histoire de codes à déchiffrer (le Da Vinci ?), de trésor à trouver, d'incroyables révélations. C'est là où le roman se perd parfois dans des circonvolutions qui jouent sur notre appétit supposé de scoop, de buzz, à l'époque du complotisme outrancier. L'autrice s'en amuse, s'en empare, multipliant les (fausses) preuves, les (vraies) découvertes, les trajectoires absurdes (qui recherche un lapin d'or bon sang ?). Pourquoi pas, c'est un peu tiré par les cheveux et, à quelques reprises, on est au bord du lâcher de bouquin. Mais, allez savoir comment, Le code Twifford réussit pourtant à ferrer son lecteur jusqu'à l'étonnante confidence de fin de bouquin. Énergique, malin et marrant, Le code Twyford offre une toute petite réflexion sur les pouvoirs distordants du langage et les images floues qu'il fait naître. Une leçon : la littérature est invention, la littérature est fiction, la littérature est vérité. Rien que la vérité, surtout quand on peut en modifier les versions...
                                                                                                                                                                      
Le code Twyford, Janice Hallett, Denoël, 460 p., 23€


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