Accéder au contenu principal

Mort aux geais !, Claire Duvivier (Capitale du Nord T2, Aux Forges de Vulcain)

 Voilà le quatrième tome d'une série-concept de fantasy pour laquelle L'Espadon n'a cessé de s'enthousiasmer (voir nos trois articles déjà publiés sur le blog). Et n'y allons pas par quatre chemins, nous avons été passablement déçus par ce Mort aux geais ! situé à Dehaven (la néerlandaise ?), capitale du nord sur le point de sombrer dans la guerre civile comme Gemina (l'italienne ?). Ça cause ça cause mais, parfois, il ne se passe pas grand-chose. Tandis que les trois tomes précédents étaient de véritables page turner, ce dernier est assez plan plan et tourne parfois en rond, reposant sur une quête un peu molle (se venger d'Ebelin et sauver Delhia de Wautier). Encore de l'aventure certes et des révoltes préparées dans les alcôves, mais les scènes de palabres, de pensées et de pourparlers prennent hélas le dessus au détriment de l'action. Les scènes dans le bouge de la Popine m'ont un peu gonflé, en plus de me faire perdre le fil des personnages, en particulier Lute, les Goffart ou la corporation des débardeurs. Ce n'était pas un problème dans les tomes précédents tant les personnages étaient étoffés ou incarnés, en plus de pouvoir se reporter au registre des noms en début de roman. Ils le sont un peu moins ici me semble-t-il, on s'y perd donc davantage. Certaines (bonnes) idées semées en chemin semblent être passées à la trappe, notamment la ville-miroir de Nehaved, pendant du Nihilo... Bien dommage car, après un final de toute "beauté" dans le tome 1, digne d'une bonne série télé américaine, on attendait beaucoup de l'épisode 2. 

Une fois le sentiment de déception exprimé, il convient aussi de souligner là encore toutes les belles trouvailles ou les beaux passages de ce quatrième volet. On a aimé la relation plus ou moins ambiguë qui se noue pas à pas entre Amalia et Yonas, navigant quelque part entre l'amitié et l'amour, renforcée par les pouvoirs du diadème, et posant la question des âmes-soeurs. Et si votre âme jumelle prenait le contrôle de votre corps ? On a aimé les passages du jeu de la Tour de Garde quand Amalia, avec l'aide du diadème et de Yonas, enfume tous les joueurs qu'elle rencontre sans mettre de côté sa morale. Eh oui, Amalia n'aime pas dépouiller son prochain surtout quand celui-ci est en galère. On a aimé l'épisode de l'île et la nage d'Amalia comme un leurre pour sauver les apparences. On a beaucoup aimé — même s'il a fallu attendre 400 pages —comprendre ce qui se cachait derrière la scène finale du premier tome, et derrière la folie meurtrière, irrationnelle, d'Hirion de Wautier. On a aussi aimé les notes gourmandes, références à des "plats d'époque", toujours savoureuses mais là encore moins présentes semble-t-il que dans les tomes précédents. Et pour tout dire, Mort aux geais ! semble un peu moins merveilleux, dans le sens de moins magique, plus "politique" et surtout un peu plus bavard que ses prédécesseurs. La plume de Claire Duvivier étant toujours aussi plaisante et fluide malgré un récit moins prenant.

Dehaven ne me plaît pas du tout... Je suis peut-être arrivé au mauvais moment. Trop de guerre. Trop de tensions. Trop de magie. De choses que je ne parviens pas à m'expliquer. Je pensais que c'était un endroit rationnel pourtant.      — C'est une erreur commune, sur cette ville, nous répondîmes. Cela fait des siècles qu'on bride ses mystères ; ils finissent par jaillir de la moindre lézarde dans le mur. Je n'y prêterais pas trop attention à ta place.

Des faux-semblants avec des créatures sans nom, des négociations, des révoltes, des meurtres, des morts, et de la magie, c'était le programme de ce tome 4 un peu verbeux et manquant d'action, mais toujours d'une lecture agréable. Allez, on ne va pas non plus brûler ce que l'on a adoré. Lisez cette belle série que j'offre et conseille partout autour de moi. En 2023 sortiront les deux derniers tomes et L'Espadon sera bien sûr à l'affût pour une conclusion attendue autour de la Tour de Garde et de ses mystères. En attendant, je vous sers deux pains aux harengs avec double dose d'oignons, au son de quatre tambours, histoire que votre esprit s'élargisse.

                                                                                                                                                                  

Mort aux geais !, Claire Duvivier, Aux Forges de Vulcain, octobre 2022, 420 pages, 20€

Commentaires