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Souviens-toi de ne pas mourir sans avoir aimé, Marc Alexandre Oho Bambe (Calmann Lévy)

 On connaît le poète-slameur Captain Marc grâce à ses magnifiques recueils de poésie publiés ailleurs et chroniqués ici (La vie poème ; De terre, de mer, d'amour, de feu), ses élans, ses tempos, sentiments sur le beat, la vie dans ses tourments, ses chants déments, et son art de la joie. Ici le jazz à l'âme et Jaromir qui reçoit un colis, un jour, un visage, la photo d'un homme qui ressemble à un père qu'il n'a pas connu. Inconnu à l'adresse des vivants, musicien des solitudes habité par la glace, la grâce, capable en quelques accords de briser le silence et les années d'errance. Un junkie plein d'amour pour sa fille Indira, ses textes, ses lettres, ses concerts, son addiction à sa quête, le jazz ou l'abandon suprême. Magnifique titre célébrant la démesure de vivre, les coups de poignard de l'absence, les injections d'amour shooté aux mots de la fin. Et la tendresse, la  musique, la vie pour nous lier à jamais.


Magnifique titre pour ce roman-poème de Capitaine Alexandre qui nous embarque dans cette histoire de filiation, d'amour du jazz et de transmission avec un "sentimentalisme assumé". On avance sur le fil des écorchés, on marche entre les vers et les rimes, les verres et les cimes, descente aux enfers d'un homme habité par son art, renaissance d'un homme porté par le rendez-vous avec lui-même. Des amoureux qui s'écrivent, ne trouvent pas toujours les mots, savent rire de leurs bons maux, les rimes à l'air libre, pour garder l'équilibre, ils s'accrochent à la tendresse. Des bars, des salles de concert et des lettres qui caressent l'âme, mariés amarrés à l'amour, âmes rares couplées pour toujours dans les regards tristes d'artistes. Une danse, une marche, un blues géant où l'on écrit à l'oral sur des sentiments, des pensées intimes.

Kilimandjaro était aussi le titre du morceau qui ouvrait notre set, celui qui installait notre univers aux accents free, notre jazz sauvage, incontrôlé, incontrôlable.

Que j'aime l'oeuvre de Marc Alexandre Oho Bambe. Pour tout le bien qu'elle nous fait, pour tous les espoirs qu'elle porte, pour toute la musique qu'elle offre, le partage comme étendard de nos vies malgré les dommages, les dérapages, les sorties de virage. Pour multiplier nos entourages. Des souffles bercés de passion, des respirations habitées à valeur inestimable. L'écriture est cool chez Marc, la mélancolie au rythme des désirs, de renaître, d'avancer. Une soif de vivre, l'envie de se brûler, une urgence, une nécessité, la rage au coeur pour se tenir dans la vie, le vide, au bord du gouffre, se prendre dans les bras par les mots et tordre le cou à la nuit pour ne se souvenir que du bleu, du blues, de ces rires merveilleux qui apaisent les âmes. Malgré la mort, l'absence, les silences, reste la musique et la création qui vous font vivre deux fois. D'immenses vibrations d'amour dans ce livre de Marc Alexandre Oho Bambe, une émotion intacte à la lecture de ces poèmes imprévisibles où l'"on danse dans les bras du silence". L'écriture de l'auteur, déjà très musicale, comme l'écho mélancolique du manque de jazz, cette obsession éternelle de ce qui a été et ne sera plus vraiment. Un rendez-vous avec soi où l'on se répare en musique. Un roman qu'on écoute plus qu'on ne le lit, près d'un feu qui apaise le coeur. Pour mieux voir la pureté de nos liens. Entre un fils et un père, entre un père et sa fille, entre deux époux séparés. Pour vibrer, pour jouer et se souvenir de ne pas mourir sans avoir aimé.

"Le coeur gonflé, je chante.

Mon blues.

Mon espoir.

Ma joie arrachée.

Et mes rêves.

D'un autre monde.

L'âme en paix, je chante."

                                                                                                                                                             

Souviens-toi de ne pas mourir sans avoir aimé, Marc Alexandre Oho Bambe, juillet 2023, Calmann-Lévy, 19,50€, 286 p.


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