Rupestres et Mulot
(publié sur planetebd.com)
Partir à la découverte des dessins primitifs qui ornent les parois des grottes françaises, c’est la proposition alléchante et pleine de promesses de Rupestres. Une plongée fascinante au cœur des salles obscures, histoire de s’élever un peu.
(publié sur planetebd.com)
Partir à la découverte des dessins primitifs qui ornent les parois des grottes françaises, c’est la proposition alléchante et pleine de promesses de Rupestres. Une plongée fascinante au cœur des salles obscures, histoire de s’élever un peu.
Rupestres n’est pas une bande dessinée « grottesque », ni même un simple « grotte book », c’est bien plus que cela. Un casting de choix d’abord (des grands noms) et un projet peu commun : raconter l’origine du monde par le dessin et les mots, tout en méditant sur le support qui permet de lui donner corps. Davantage une promenade dans les entrailles de la Terre qu’une banale exposition, le livre plonge dans un sous-sol plein de mystères et de trésors cachés, scrute les dessins primitifs du paléolithique, et en fait ressortir un questionnement fécond sur le sens et l’origine du monde. Si la première impression est celle d’un chaos graphique, la seconde, l’émerveillement, finit de nous convaincre : car d’un joyeux bordel apparent, naît en fait une mise en images cohérente, propre à réenchanter le monde sur le mode du work-in-progress : pierre, roche, écorce, argile, sable, papier, autant de supports et de matières à questionner, à expérimenter et finalement, à transformer. Saisissant les textures, palpant les matériaux, s’appropriant ombres et lumières tout en suggérant l’ineffable, les auteurs expriment chacun à travers leur sensibilité propre une vision des origines. Méditation contemplative lorgnant vers le songe magique, mais aussi introspection métaphysique empreinte d’un souci de pédagogie, l’opus se lit et se contemple avec les yeux du lecteur curieux ou ceux de l’exégète averti. Accessible, très littéraire et d’une belle densité, la lecture de Rupestres a la valeur du partage, les auteurs ayant en commun cet amour du livre, en plus d’entretenir une franche camaraderie palpable tout au long du récit. Résultat : on ne s’ennuie jamais. Mieux, on est fascinés par cette parenthèse silencieuse d'une rare puissance. Figuratif ou abstrait, ce reposant voyage abyssal offre un vertige du dépaysement peu commun. Réflexion subtile et protéiforme sur la création artistique, la BD et la marche du monde, Rupestres donne à voir ce moment unique de l’Histoire, celui de la mise en mots du monde par l’image, premiers pas vers le récit écrit. Très beau paradoxe, s’agissant là de « bande-dessinée ».
(4/5)
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