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Pourquoi les hommes fuient ? Erwan Larher (Quidam)

    Je l'ignore. Pourquoi les hommes fuient-ils ? Je n'en sais rien. Ils sont lâches, c'est un truc de mec ça. Mais je découvre l'écriture d'Erwan Lahrer grâce à Quidam et, ma foi, si je devais écrire un roman (ahah), je crois bien que lui emprunterais son énergie, son tempo énervé, sa façon de fuir et d'embrasser le réel par ses mots saccadés, fluides, impossibles à figer. Ce livre est un riff saturé de fuites et de dédoublements à travers la voix de Jane, tragiquement actuelle. Le livre cherche-t-il à comprendre notre époque, à en révéler creux et médiocrités routinières ? Peut-être et il laisse alors la pluralité des voix s'exprimer. Comme tous ces instruments parfois dissonants mais rageurs, ces hommes et femmes jeunes mais déjà démodés, à la com' décatie.



  Erwan Lahrer aime les défis : à se frotter par la langue à la confusion d'une époque, à ses compromissions et autres lâchetés, il prend le risque du vide de la pensée. Mais la littérature est justement là pour donner du relief aux mots, miroir de réalisme et pas de réalité. Un livre touchant par sa manière de tenter, d'oser des écritures et des registres, tendu vers la recherche d'une intimité qui ferait sens. Un roman du mouvement perpétuel où les SMS, les dialogues, les trahisons ont le goût de la cavale et d'une incapacité à s'adapter, à s'intégrer. Les fêtes comme le refus du présent et de l'avenir. La Viduité évoque parfaitement "une célébration inquiète de l'instant" dans une prose délicate et brute à la fois.
L'Écrivain continue à lui envoyer des SMS. Il a craqué, le keum. Jane lui répond de temps en temps, laconique, voire un simple émoji.

  Roman d'un rythme à la musicalité lâchée et léchée, impétueux et impulsif, élégant et sauvage, d'une tristesse latente, Pourquoi les hommes fuient ? indique un horizon, des images en rupture pour dire qui nous sommes à l'heure de l'intimité réticulaire. La fugue, l'exil, ok, mais toujours avec un gros son, rempli d'une colère amusée, nostalgique, pas dupe des effondrements du réel.
Une morale : je suis punk, donc j'écris. Yes !
                                                                                                                                              
Pourquoi les hommes fuient ?, Erwan Larher, Quidam, août 2019, 350 pp., 22€.

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