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Mollo sur la win, Christophe Esnault & Lionel Fondeville (Cactus Inébranlable éditions)

 Un éditeur au destin funeste, un solitaire égaré sur le site de rencontres Similitudes, un RMiste qui décuple sans le savoir les capacités de sportifs angevins, des essais de nouvelles, une rixe avec Philippe Sollers, des refus de manuscrits dans des revues obscures, des séances chez le psychanalyste... Les losers, l'amour, la détresse sentimentale et littéraire au miroir de treize nouvelles rigolardes qui auscultent notre désir de tendresse, de reconnaissance, toujours un peu vain. L'élégance de l'échec.


Du punch et de l'humour à tout va dans ce recueil de nouvelles qui, à l'image de la couverture, a des airs mal fagotés. Les airs, seulement, d'un réel trop étroit ou trop grand pour des personnages pas toujours adaptés au monde tel qu'il va. Paumés et romantiques à la dérive, les personnages naviguent entre leurs aspirations un rien ambitieuses et la médiocrité du milieu intellectuel/culturel où ils évoluent. Avec quelques écorchures en bandoulière et quelques revanches à prendre sur les conventions. Marginaux, incompris, écorchés donc, ils avancent malgré tout dans une vie de traviole, en quête de l'âme soeur ou du contrat qui va changer leur vie, sans en être dupes, bien sûr. Autodérision, humour noir, portrait acide d'une époque, les ressorts de ces nouvelles sont connus mais efficaces. Il y a une énergie dingue dans ces textes courts qui n'hésitent pas, parfois, et en toute simplicité, à jouer avec l'écriture, ses registres, ses genres (dialogues, poésie, essai, ratures, écriture collégienne, aïe ça pique), et l'organisation de la page. En résulte un grand dynamisme très plaisant à la lecture, sans compter l'art de la formule et de la punchline corrosive. 

Chaque année, je reçois entre mille six cents et deux mille tapuscrits. Une stagiaire, la plupart du temps étudiante en littérature, saisit dates de réception, titres et noms d'auteurs dans un tableur avant d'attribuer un numéro d'identification à chaque texte. Mais j'ouvre l'enveloppe moi-même. En vingt secondes, je peux déterminer que je ne publierai pas ce qu'elle contient.

On sent les âmes déchirées et la volonté d'en découdre de la part des deux auteurs dans cette satire de notre temps. Il faut lire cette scène hilarante dans laquelle Philippe Sollers se retrouve le nez en sang, par terre, après un refus de manuscrit. On sent également dans ces textes une tendresse d'écorché, une rage adolescente, la quête désespérée d'amour au miroir des monologues sur le divan. Au bout, toujours une forme d'incompréhension, de désespoir discret. L'humour pour alléger la tragédie quotidienne et ce besoin fou d'une reconnaissance, jusqu'à l'aliénation. Jusqu'à l'excès. Les deux auteurs ont des choses à dire et écrire sur les solitaires, les marginaux, les reclus, toujours avec un humour décapant, loin des mondanités. À fond sur la loose. On dit qu'elle est magnifique. Nous, on aime les perdants.

                                                                                                                                                                  

Mollo sur la win (nouvelles), Christophe Esnault et Lionel Fondeville, Cactus inébranlable, mai 2021, 110 p., 15€

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