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À fleur de chair, Chloé Saffy (La Musardine)

 L'hiver sera chaud avec Chloé Saffy et son roman À fleur de chair. Précisons-le d'emblée, je ne lis jamais de littérature érotique, encore moins de livres sur les pratiques de BDSM. Mais Chloé Saffy avait publié un essai autofictionnel consacré au Maître des Illusions de Donna Tartt, bien troussé et emballant. C'est donc avec curiosité qu'on se lançait dans cette expérience. Un thriller érotique qui met en scène Delphine, l'épouse d'Antoine depuis dix ans, qui découvre des lettres dans lesquelles sont racontées la double vie BDSM de son mari. Delphine connaissait cette vie — ils avaient passé un accord — mais a toujours fermé les yeux. Le jour où elle découvre réellement la nature de ces relations, ses repères vacillent, dans un lent jeu de dévoilement. Triangle secret où se mêlent désir, honte parfois et plaisir extrême souvent.

Un roman qui m'a semblé avoir une valeur documentaire sans pédagogie pesante. Pour qui ignore tout de ce monde, Chloé Saffy se fait "professeure" de BDSM sans juger et sans morale. Elle montre des relations entre dominants et dominés, avec toujours le souci d'en révéler le puissant désir, les culpabilités, les tâtonnements. Une façon pour l'auteure, surtout, d'évoquer les relations de couple ordinaires pris dans les questions de liberté, de jalousie et de respect de l'autre. À un premier niveau de lecture, il faut bien reconnaître que l'auteure sait faire monter la tension dans le va-et-vient d'une relation épistolaire flirtant avec les liaisons dangereuses. Des scènes chaudes et plus qu'érotiques, crues mais jamais vulgaires. À un deuxième niveau, le questionnement sur le désir féminin, ce que l'on est prêt à accepter de domination par amour, et la place de la mère dans le couple ou la famille. Le sexe, donc, le secret et la fougue, et la réflexion sur ce désir au miroir du féminin.

Je m'avance dans le salon, je le déshabille, puisqu'il me le demande. C'est la première fois que je le vois nu des pieds à la tête. Tous ces dominants qui préfèrent rester habillés, jouissant d'être protégés dans leur quant-à-soi, tous ceux qui inondent les sites de rencontres BDSM dans leurs chemises et jeans noirs et exposent leurs soumises dénudées comme des maquignons... Lui s'en moque.

Roman aux vertus didactiques, À fleur de chair distille son désirable suspense à la faveur de jeux secrets et dangereux, qui mettront en péril le couple ou, à l'inverse, le consolideront. Initiation par les mots et les gestes, échappées physiques de corps et de désirs en quête de liberté, de réalisation absolue. Pour se réchauffer auprès du sapin.

                                                                                                                                                                  

À fleur de chair, Chloé Saffy, La Musardine, avril 2021, 304 p., 17€

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