Voilà un livre qui nous a fait beaucoup rire. Avant les dernières pages tout du moins, glaçantes ou d'une "inquiétante étrangeté". Au choix. Et pour cause, on aurait beaucoup de mal à trouver un héros aussi peu vendeur. Tenez : le narrateur est un père à l'air renfrogné, vieil homme aigri qui fait le constat d'une vie amère : du haut de son phare, il ressasse les échecs sans en comprendre les causes. Que reste-t-il d'une vie triste et solitaire ? Une maison familiale, construite par lui-même et son mystérieux frère. Ses deux fils, désormais adultes, ne l'ont jamais aimé. Trop volage, égoïste et méprisable. Son ex-femme, soupçonnée d'être folle, il la méprisait aussi. Ses parents, il n'a jamais pu s'entendre avec eux. Un mariage en ruines, une femme humiliée par des infidélités, des fils ignorés et cette maison, miroir de toutes les folies...
Ce que l'on retient d'abord, c'est le comique, d'une cruauté cynique qui confine à une lucidité sans bornes : "Je n'ai jamais menacé mes fils avec une hache. C'est peut-être cela qui leur a donné l'impression que je ne m'intéressais pas à eux". Ce père a loupé sa vie dans les grandes largeurs et ne cherche aucunement la rédemption. Tout juste blâme-t-il les autres pour leur médiocrité, sans être exempt de tout reproche. Oui, il préfère les petites fesses de ses secrétaires à sa femme mais, quelque part, elle l'a bien cherché, elle qui creuse on-ne-sait-quoi dans la cave de la maison...
Livre court qui enfile les tranches de vie en creusant une forme de dégoût, Au nom du père n'aurait pu être qu'une fable d'un nihilisme complaisant. Que retenir de cet être égoïste, lancé dans une tirade névrosée ? Balla, au fil des pages, parvient toutefois à installer l'ambiguïté et peu à peu le comique se pare de tragique. Au nom du père ne serait-il que le monologue d'un cynique absolu ou le récit obsessionnel d'un fou ? Farce ou provocation ? Farce ou tragicomédie ? La dernière phrase, incisive comme un couperet, nous invite à l'interprétation pour finalement remettre en cause tout ce que l'on croyait figé. Faut-il toujours croire ce qui est dit ou écrit ? Jouet d'un destin qu'il croyait maîtriser, le narrateur finit par se perdre dans son propre discours — le lecteur avec — piégé par ce qu'il croyait voir avec des yeux d'une lucidité sans limite. L'architecture est parfois mère de tous les aveuglements et ce récit pourrait se lire comme un labyrinthe mental, un espace de miroirs dans lequel on ne sait plus si le moi existe vraiment ou s'il est rêvé. Où le réalisme ici ne serait que vue de l'esprit. Avancer masqué, s'aveugler pour mieux éviter de regarder en face. On en revient toujours aux illusions tenaces, garde-fou contre la folie, celle d'un narrateur aussi menteur que manipulé. La maison, littéralement hantée, devient le reflet de nos égarements, croyances aveugles et autres aliénations. Comme les murs lézardés, la logique a ses failles et ce sera au lecteur de percer cette santé mentale solipsiste. Et si le désespoir était la politesse de la folie ?
Je sais qu'il y a de la cruauté à parler ainsi, mais la différence entre moi et la majorité des hommes, c'est que je suis cruel et le dis, alors qu'eux ne le sont pas moins mais tiennent un autre langage, tout en pensant, tout en voyant les choses exactement comme moi.
Livre court qui enfile les tranches de vie en creusant une forme de dégoût, Au nom du père n'aurait pu être qu'une fable d'un nihilisme complaisant. Que retenir de cet être égoïste, lancé dans une tirade névrosée ? Balla, au fil des pages, parvient toutefois à installer l'ambiguïté et peu à peu le comique se pare de tragique. Au nom du père ne serait-il que le monologue d'un cynique absolu ou le récit obsessionnel d'un fou ? Farce ou provocation ? Farce ou tragicomédie ? La dernière phrase, incisive comme un couperet, nous invite à l'interprétation pour finalement remettre en cause tout ce que l'on croyait figé. Faut-il toujours croire ce qui est dit ou écrit ? Jouet d'un destin qu'il croyait maîtriser, le narrateur finit par se perdre dans son propre discours — le lecteur avec — piégé par ce qu'il croyait voir avec des yeux d'une lucidité sans limite. L'architecture est parfois mère de tous les aveuglements et ce récit pourrait se lire comme un labyrinthe mental, un espace de miroirs dans lequel on ne sait plus si le moi existe vraiment ou s'il est rêvé. Où le réalisme ici ne serait que vue de l'esprit. Avancer masqué, s'aveugler pour mieux éviter de regarder en face. On en revient toujours aux illusions tenaces, garde-fou contre la folie, celle d'un narrateur aussi menteur que manipulé. La maison, littéralement hantée, devient le reflet de nos égarements, croyances aveugles et autres aliénations. Comme les murs lézardés, la logique a ses failles et ce sera au lecteur de percer cette santé mentale solipsiste. Et si le désespoir était la politesse de la folie ?
La grande période des ténèbres a commencé lorsque nous avons tiré les rideaux de la cuisine. Ma femme, dans la pénombre, a déclaré que les fenêtres resteraient voilées, afin que les gens, dehors, ne puissent pas voir ce que nous faisions.
Si comique il y a, c'est donc pour mieux se nourrir d'étrangeté et d'un certain goût pour l'absurde, entre Beckett, Kafka et Borges. Au nom du père, prière à la fois troublante et hilarante, avec en fond une critique politique, finit par ressembler à un vertigineux puzzle de sophismes, écrit dans une prose vive et obsédante. Cette quête existentielle bizarre muant alors en enquête des traces qui la composent.
Au nom du père, Balla, éditions Do, 12 mars 2019, 136 pages, 16 €
Au nom du père, Balla, éditions Do, 12 mars 2019, 136 pages, 16 €
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