Premier roman pour Marin Fouqué, ou plutôt première résonance réussie tant l'écriture du jeune rappeur fait mouche dès les premières notes. Voilà pourtant un sujet peu funky, la vie d'un mec encapuchonné qui raconte sa life sous un abribus de la Seine-et-Marne, dans le sud sept sept (plus exotique) : bagarres, intimidations, pylônes, peines, voitures qui passent — gris, rouge, jaune —, sur la nationale, premiers émois, premières lattes et premières trahisons, crachats et bédos. Des potos aussi, la fille Novembre, le grand Kévin, Enzo avant le Traître et des souvenirs, des fuites, des délires d'ados dans une ville-dortoir sans âme, bien sûr, sans grandes joies, bien sûr, sans horizon tracé, bien sûr... Yo.
Chronique d'un entre-deux coincé entre Paris et la province, la ville et la campagne, cette chanson de 200 pages décrit aussi une transition adolescente, de succès foireux en découverte d'une sexualité à part et rêves misérables. Les histoires d'une bande ordinaire, les vers qu'on te force à bouffer, les bastons et la fête foraine, les traumas nés des vestiaires, le Chat Jésus et les lotos un peu truqués du dimanche après-midi. Mais la solitude est musicale, le silence dissonant et la torpeur pleine de couleurs chez Marin Fouqué. Le style comme une évidence, dopé par un flot de pensées impossibles à lâcher, l'obsession sonore du mot d'après, pris dans l'urgence du flow cadencé. Mots qui claquent, rythme qui happe, il faut sentir l'énergie de la phrase qui vous berce de ses harmonies grises, de sa douceur discordante, de son insouciance brève.
Car, pour tout dire, il ne se passe pas grand-chose au fin fond de l'Ile-de-France. Oui, une île ce patelin au goût d'universel, des anecdotes qui ont le son de la vérité — la Vieille folle du quartier, le papa violent, le Grand Kévin —, des tranches de vie étroites embellies par un impressionnant sens du rythme. Et pour tout conteur, un bolos sans talent, sans avenir, sans muscle, sans courage et donc absolument attachant. Yo. Tête baissée, capuche sur la tête, crachat au sol, on embarque direct dans la caboche d'un gars construisant son identité au son d'un flot, de pensées et de mots rappés, une identité d'ailleurs assez éloignée des schémas habituels de banlieue. Du livre sincère, habité, incarné et même touchant. Du bruit et de la rage aussi, aussi foudroyants que contenus. Ou presque. Yo.
Dommage parce qu'avec les toits et les murs, ça rebondit, le son, et ça résonne dingue. Que ce soit de la musique ou des mots échangés. Maintenant j'ai plus que le silence du 77, qu'entrecoupent les vrombissements des bagnoles. Mais c'est bien. Ça me suffit. Et j'ai des mots dans ma tête. J'aime bien les mots, tant qu'ils restent dans la tête. Dangereux, les mots.
Car, pour tout dire, il ne se passe pas grand-chose au fin fond de l'Ile-de-France. Oui, une île ce patelin au goût d'universel, des anecdotes qui ont le son de la vérité — la Vieille folle du quartier, le papa violent, le Grand Kévin —, des tranches de vie étroites embellies par un impressionnant sens du rythme. Et pour tout conteur, un bolos sans talent, sans avenir, sans muscle, sans courage et donc absolument attachant. Yo. Tête baissée, capuche sur la tête, crachat au sol, on embarque direct dans la caboche d'un gars construisant son identité au son d'un flot, de pensées et de mots rappés, une identité d'ailleurs assez éloignée des schémas habituels de banlieue. Du livre sincère, habité, incarné et même touchant. Du bruit et de la rage aussi, aussi foudroyants que contenus. Ou presque. Yo.
Qu'importe la minceur du fond, là n'est bien sûr pas l'essentiel. Car le voyage reste en tête, sa musique entêtante, le portrait d'une jeunesse paumée qui n'intéresse personne sauf ceux qui ont quelque chose à en dire. Sauf Fouqué qui, à l'instar des Johannin, sait magnifier la morose routine et les souvenirs d'une vie.
Un livre qu'on pense à voix haute et qu'on lit à haute voix. Toujours à base de pop-op-op-op...77, Marin Fouqué, Actes Sud, août 2019, 218 p., 19€
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