Un cadenas sur le cœur, premier roman signé Laurence Teper, se présente d’abord
comme un léger récit de vacances. Avant de bifurquer vers la quête d’identité
sur fond de Seconde Guerre mondiale. Dans les pas de deux familles, les Meunier
et les Coquillaud, fidèles comme un couple lors de leurs vacances à Saint-André
de Gironde. Mais rapidement, les relations se teintent de bizarreries… Et
Claire Meunier de décrire cette mère acariâtre et maniaque, Ludovic, ce petit
frère encombrant, ou ce Georges Coquillaud, « petit, un peu court sur pattes, un peu flasque et trop glabre. »
Le décor est posé…
Claire avait beau avoir fini par atteindre un certain âge, être mère de trois enfants qui n’étaient plus des bébés, avoir déjà et encore toutes ses dents (…), elle était encore et toujours avant tout une bonne élève.
C’est l’histoire d’un puzzle
familial bancal dont Claire s’évertue à rassembler les pièces manquantes. Ou
occultées. Un roman sur les secrets de famille aussi, qui contaminent en silence le quotidien. Sans oublier la mémoire, cette machine à fabriquer du symptôme et de la maladie, physique
ou mentale. La réussite du roman tient à sa façon d’embrasser la totalité d’un
destin, celui de Claire Meunier et des autres, des jeunes années à la mort.
Exercice périlleux en littérature qui exige d’incarner des personnalités, de
maîtriser leurs hésitations et d’épouser leurs trajectoires. Couplé à un art de
l’ellipse cadré et à une écriture sans fausse note, Un cadenas sur le cœur saisit son lecteur en narrant, finalement, l’histoire de toutes les familles. Des pans entiers de mémoire à exhumer d'une fosse de souffrances et cernés par des murs de non-dits ou de
silences. Une infinie quête des origines en somme avec, au bout, d’inévitables questions : de quoi est-on fait, sinon des
autres ? Par quoi est-on traversé ?
« Il faut faire son deuil », lisait-elle à droite et à gauche, entendait-elle un peu partout, dès qu’il était question, dans un livre, dans une émission, de ce qui se passe lors de la mort d’un proche. Mais comment faire son deuil quand il faut prouver son deuil ? »
Et si les années qui passent
fossilisent les souvenirs sans conjurer l’absence, on n’échappe
de toute façon pas à la vérité, cet éternel problème littéraire. Comme la mémoire, elle vous
rattrape, avec la force d’un destin tragique, d’une manière ou d’une autre.
Voilà donc un livre d’une touchante délicatesse, plaisant, qui sécrète aussi
ses propres mystères pour, au final, redonner un peu de souffle à Claire, délestée du
poids des mensonges même si les réponses génèrent encore plus de
questions. Tout est en suspens et tout
est résolu.
Un cadenas sur le cœur, Laurence Teper, Quidam éditeur, janvier 2019, 196 p., 19 €.
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